Je ne suis pas Charlie !

Par Alain Sanders

Dans Présent du 8 janvier, Caroline Parmentier, qui a toujours le juste réflexe, écrit qu’elle n’est pas plus Charlie aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Moi non plus. Je ne suis pas Charlie. A la différence des médias, des corps constitués, des Eglises, des profs, des instits, de Hollande, du PC, des Verts, du Parti de gauche, de Besancenot, de Mélenchon et des marchands de bretelles.

Quand je dis que je ne suis pas Charlie, c’est un hommage que je rends, en respectant ce qu’ils furent, aux morts de Charlie Hebdo, personnages désormais sanctifiés par l’establishment, hier conchieurs proclamés de l’armée, de la police, de la morale naturelle, mais à tu et à toi avec la classe politico-médiatique et aujourd’hui encensés.

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La fin tragique de Charb, Tignous, Wolinski, Cabu, Honoré ne fait pas d’eux soudainement mes « héros », même s’ils ne méritaient pas un tel sort.

Charb, qui arborait à l’occasion le casque en latanier des Viets frappé d’une étoile rouge, était à sa manière un fanatique. Qui se vantait de voter communiste. En quoi le communisme a-t-il été – et il le reste – moins barbare que l’islamisme ? En quoi les marxistes-léninistes, les verts-rouges, les anarchistes, les trotskistes, qui composent l’équipe rédactionnelle de Charlie Hebdo, tous porteurs d’idéologies mortifères, pourraient-ils faire la leçon aux islamo-terroristes ?

Cabu, que l’on nous présente comme un gentil ado de 78 ans, n’était pas un doux agneau. Antimilitariste forcené (mais pas au point d’avoir récusé une protection policière), il avait créé en 1973 le personnage du « Beauf », caricature du Français moyen frisant le racisme au faciès. Tout dernièrement, ce chantre inconditionnel de la liberté d’expression s’en était pris à Zemmour avec une extrême violence. Au nom de ladite liberté d’expression. La sienne. Pas celle de Zemmour.

Tignous qui, comme un vieux stal attardé, aimait à dessiner de gros capitalistes le cigare à la bouche, passé par L’Evénement du Jeudi, Marianne, Le Canard enchaîné, affichait lui aussi un total engagement à gauche.

Incontestablement bourré de talent, avec un amour des femmes qui pouvait le rendre sympathique, Wolinski, passé sans grands états d’âme de L’Humanité à Paris Match, n’était pas qu’un inoffensif dilettante. Il s’était rendu plusieurs fois en URSS à l’invitation de La Pravda, journal réputé comme on le sait pour sa défense de la liberté d’expression. Il avait approuvé l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Fidèle… castriste, il affichait une dévotion sans réserve pour le tyrannique Lider maximo. En 2006, il disait : « J’aime les armes. Je voudrais bien posséder une kalachnikov. » Le malheur, pour lui, c’est que ce sont ses assassins qui les avaient, les kalachnikovs…

Maintenant que la légitime émotion provoquée par ces massacres barbares s’apaise un peu, nous pouvons rappeler ces choses. Et Bernard Antony ne s’y trompe pas qui écrit : « Pour l’honneur de ses morts, instituer désormais pour ce journal satirique une sorte de privilège de liberté illimitée d’expression, d’inconditionnalité, d’infaillibilité, d’intouchabilité, serait les instrumentaliser dans une abomination liberticide. A rebours du respect qu’on leur doit. »

Nous ne sommes pas Charlie. Nous sommes tous, en revanche, des policiers. Ces policiers à qui on ne rend guère hommage. Je lis ici et là que certains conseillent de s’abonner à Charlie Hebdo. Nous conseillons, quant à nous, de réserver les dons aux orphelins de la police.

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