La mode revue et corrigée par les thuriféraires de l’immigration….
Nommé par Manuel Valls pour succéder à Jacques Toubon à la tête du musée de l’Histoire de l’immigration, Benjamin Stora a tout de suite reçu l’onction « cranique » de Louis-Georges Trin, le sulfureux président du Conseil représentatif des Associations Noires de France, ce groupe de pression qui instrumentalise l’histoire de France depuis la Loi Taubira de 2011. S’est-il alors senti pousser des ailes en se persuadant que tout était permis en matière de démagogie ? Toujours est-il qu’il a donné le ton lors de son discours d’intronisation, et alors que le Palais de la Porte Dorée n’avait pas encore été officiellement inauguré par les autorités de la République, qui se sont amendées depuis. Dans un discours lénifiant et très « bisounours », il s’est posé la question de savoir comment « valoriser l’apport migratoire alors que nous sommes dans une situation de fermeture des frontières ». Il fallait faire rêver et enlever de l’esprit des gens l’image négative qu’inspire l’immigration.
Les créateurs de mode et… l’immigration
C’est dans cette optique qu’il a demandé au directeur du palais Galliera, Olivier Saillard, d’organiser une exposition sous le titre évocateur « La modes d’ici est d’ailleurs ». Cette expo, qui fait la part belle aux créateurs européens, mais aussi japonais, auxquels on ajoutera un ou deux couturiers exotiques, a ainsi été délocalisée dans le Palais de la Porte Dorée afin de donner corps à la thèse de Stora : « Si Paris demeure la capitale de la mode, c’est parce qu’elle a su rester ouverte au monde et capter ses talents pour les diffuser à sa manière. » Certes, mais il s’agit là, d’abord et avant tout, d’une histoire du génie européen (et japonais depuis plus de trente ans) et de tous ces créateurs qui, depuis le milieu du XIXe siècle, ont su marier tout un savoir-faire traditionnel inspiré des fondamentaux de la vieille Europe ou du monde traditionnel japonais pour arriver à la perfection.
Bien sûr, la mode est partout et fait partie intégrante de notre société, et de multiples créateurs d’origine étrangère rayonnent dans notre pays, notamment à Paris, reconnue capitale de la mode. Mais ne tombons pas dans le piège grossier des organisateurs de l’exposition qui voudraient nier toute créativité hexagonale, mais surtout jouent avec les mots en associant mode et immigration sans préciser, qu’en la matière, l’apport est essentiellement européen.
Le point de départ choisi par Olivier Saillard est l’avènement de la haute couture : « Depuis longtemps, je voulais qu’on applaudisse le fait que le Britannique Charles Frederick Worth, l’inventeur de la haute couture, du concept de défilé (1) et du principe saisonnier de collections, n’était pas français. »
Dès l’ouverture de la maison Worth à Paris en 1858, son style excentrique séduit l’impératrice Eugénie ou la comédienne Sarah Bernhardt. La haute couture est lancée !
Alors citons tous ces génies russes, polonais, italiens, grecs ou espagnols qui ont enrichi la haute couture française. En particulier celle de Gabrielle Chanel avec l’apport de ces Russes blanches réfugiées de la Révolution bolchevique de 1917 et qui ont sublimé de leurs broderies chamarrées ses différentes collections. C’est ainsi la Grande Duchesse Marie Pavlovna, fondatrice de la société
Kitmir en 1922, qui proposa à Chanel de coudre des broderies russes sur ses robes de collection. Un an plus tard, Chanel lançait sa collection russe s’inspirant du vestiaire traditionnel de ce vieux pays, intégrant notamment la pelisse à ses différents modèles.
Même chose également avec ces fourreurs arméniens fuyant le génocide turc et apportant leur art à la fourrure traditionnelle
On n’oubliera pas le génial Fortuny, espagnol d’origine et vénitien d’adoption, connu pour la création de son plissé permanent, la célèbre robe « Delphos » s’inspirant de l’Aurige de Delphes et décliné dans une palette chatoyante de couleurs infinies. Et portée par Sarah Bernhardt, la Duse ou Isadora Duncan. Et que dire des créations de l’Espagnol Balenciaga, du Grec Jean Dessès, de l’Italienne Elsa Schiaparelli, « cette artiste qui fait des robes » selon le mot de Gabrielle Chanel, ou de Catherine de Károlyi, hongroise ayant fui son pays lors de la prise du pouvoir par les communistes et à laquelle la maison Hermès doit nombre de créations, dont la fameuse « boucle H » ? Plus près de nous, des couturiers d’origine flamande ont enrichi l’esthétique du vêtement, notamment Dries Van Noten auquel le musée des arts décoratifs a récemment consacré une exposition. Enfin, les Japonais ont révolutionné le monde de la mode et su apporter leur génie propre en intégrant à leurs créations un savoir-faire ancestral remontant aux origines de la tradition nippone, je pense en particulier à Issey Miyake et à son jeu avec la tradition de l’origami.
Bref, au fil de l’exposition – et à part un bref hommage au talent du Tunisien Azzedine Alaia qui a su s’inspirer de Paul Poiret et de Madeleine Vionnet, on chercherait en vain des créateurs africains ou d’Amérique latine. Dieu sait que les organisateurs de l’exposition ont dû se creuser la cervelle pour en trouver, mais nada, rien. Et comme le confesse Olivier Saillard : « Pour l’instant, très peu de créateurs africains émergent. Et cela viendra. Et ce sera un moment particulièrement fort. » Chiche !
(1) En réalité, on doit ce « concept » à la « marchande de modes » Rose Bertin qui venait présenter ses modèles à Marie-Antoinette, comme en attestent les Mémoires de Mme Campan (éd. Mercure de France 1988), première femme de chambre de la reine.
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