Jésus et l’islam

Vingt-six spécialistes mondiaux ont été réunis pour alimenter cette série fleuve en sept parties de près d’une heure chacune : des historiens des débuts de l’Islam, des philologues, des épigraphistes, des historiens du christianisme oriental, des historiens du judaïsme rabbinique et des spécialistes de l’histoire du Coran… Beaucoup de monde, trop sans doute, réuni autour de la question des origines de l’islam, un champ d’observation autrement plus vaste que ne le suggère le titre de la série « Jésus et l’islam ».

La figure de Jésus

Le documentaire donne une statistique en ouverture : « Le nom de Jésus est cité 12 fois dans le Coran, celui de Mohammed quatre fois ». « Jésus, le prophète », de même qu’Abraham ou Adam est un musulman : c’est-à-dire qu’il est soumis à Dieu. C’est un personnage très honorable, fils de la Vierge Marie, qui a reçu aussi un livre de Dieu, comme Mohammed le Coran. En revanche, il n’est pas Sauveur, car les théologies chrétiennes et musulmanes diffèrent sur la question du Messie. On aurait aimé que le documentaire creuse cette question plus avant, mais la théologie n’est pas son sujet. C’est certainement regrettable, mais il fait le choix de s’attacher à l’histoire du Coran, plutôt qu’à son sens.

« Un martien qui débarquerait sur Terre »

L’un des intervenants s’amuse à prendre l’exemple d’un martien qui débarquerait sur Terre et qui constaterait que, dans une petit région, trois religions se disputent, avec des récits proches, mais qui se livrent une guerre féroce. Le martien dirait : « Ils sont fous, ils ont la même religion, avec de petites variantes ». C’est un peu le problème auquel on s’expose quand on regarde les choses sur un angle strictement historique, sans s’intéresser aux théologies. Le Coran reprend certes des personnages de la Torah et du Nouveau Testament, mais il en change l’histoire… Entre autres différences, Dieu ne dévoile pas son nom à Moïse, la Vierge Marie ne dit pas « oui » au plan de Dieu pour elle mais le subit, etc. Comme l’expliquait le père Jourdan, il n’y a pas, dans le Coran, de trace d’Alliance entre Dieu et les hommes.

L’ombre d’un doute

Nous recommandons le visionnage de cette série documentaire, pleine d’enseignements historiques et qui fait intervenir des spécialistes incontestables. Toutefois, certains découpages laissent sur leur faim, voire agacent. Ainsi, un développement à partir de l’antijudaïsme du Coran…

L’un des intervenants assure que, pour forger son antijudaïsme, le Coran a puisé dans les écrits chrétiens du début de l’Histoire du christianisme. Jusque-là pourquoi pas, certaines pages de Pères de l’Église, comme saint Jean Chrysostome, ne sont pas particulièrement amènes à l’égard de nos frères juifs.

« Cet antijudaïsme du Coran s’explique par le contexte historique dans lequel le Coran est écrit », selon un autre intervenant : Mohammed a été rejeté à Médine, par les communautés juives. Mais un autre spécialiste de conclure que, « malgré la violence des attaques contre les juifs, dans le texte sacré des musulmans, l’antijudaïsme musulman n’a jamais atteint le niveau de l’antijudaïsme chrétien« . Les vraies motivations des auteurs du documentaire dès lors se font jour. La déclaration, pour le moins lapidaire, ne sera pas étayée dans le documentaire. Ou bien au moyen de quelques citations décontextualisées de Pères grecs de l’Église…

Est-ce que par hasard, Messieurs Mordillat et Prieur auraient délibérément choisi de mettre en avant ces extraits, parmi probablement des dizaines d’heures d’interviews, qui leur permettaient de rappeler leur rengaine de « l’antijudaïsme chrétien », amplement développée dans Corpus Christi, l’une de leurs œuvres précédentes ? C’est bien loin du sujet de « Jésus et l’islam » et pourtant – à leurs yeux – si proche…

Voir la série.

Source

9782283610572

Peut-être avez-vous vu dernièrement la série télévisée l’Apocalypse. Les réalisateurs ont certes du talent : beauté des images, qualité des intervenants, sujets passionnants. Mais J.-M. Salamito est revenu de cette première impression: en historien il analyse et dénonce la méthode employée et met à jour la pensée directrice dont il souligne les ambiguïtés. Des pages très fines qui restituent au christianisme la vérité de sa genèse.

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