La France victime de subversion et de guérilla!

Voilà plus de 15 ans qu’il gravite dans les milieux du renseignement. Spécialisé dans la contre-subversion, Jean-Claude Vannier a pendant toutes ces années traqué des criminels de guerre et des terroristes pour les services secrets africains. Suite aux attaques de Paris et à la réponse apportée par le gouvernement, et à plus large échelle la classe politique française, il se fait aujourd’hui lanceur d’alerte. Selon lui, la France est victime d’une entreprise de subversion dont les méthodes relèvent de la guérilla, et non de la guerre conventionnelle.

 Pourquoi Daesh peut-il être considéré comme un mouvement de guérilla ?

Jean-Claude Vannier : Ce sont des gens qui tirent dans le tas, à l’ancienne. C’est ce que j’ai connu en Afrique, dans des pays en guerre civile. Le scénario est le suivant : des personnes avec des identités multiples traversent les frontières, ont des zones opérationnelles, des zones de vie, des zones d’échange, une base arrière pour se replier. Des trafiquants d’armes et des sympathisants leurs fournissent des véhicules, des appartements, etc. On a tout une organisation qui laisse supposer qu’il s’agit d’une guérilla. Ils attaquent, se retirent, disparaissent.

Quid de l’entreprise de subversion ?

Une subversion est une action clandestine violente, dirigée contre un pays dans le but de s’emparer illégalement du pouvoir. Si on reporte le principe de la subversion au terrorisme international, il existe une catégorie de personnes qui basculent en se disant que, par les urnes, il ne leur est pas possible d’accéder à une magistrature suprême. Aujourd’hui, ces personnes relancent l’idée archaïque de la domination mondiale de l’islam. C’est une idée qu’on ne peut pas combattre avec des bombes. Derrière elle, il y a ce qu’on appelle une organisation subversive qui communique dessus et de fait est dans le schéma d’une entreprise de subversion.

Daesh n’a pourtant pas manifesté sa volonté de contrôler le pouvoir en France..

Daesh n’est pas l’organisation subversive. Dans une entreprise de subversion, il y a une hiérarchie. D’abord, les patrons, le noyau dur, qui ont conçu et planifié la subversion dans les moindres détails sur les plans militaire et politique. Ils sont l’organe de décision. Ce pourraient être le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, qui ont tout intérêt à s’organiser pour lutter contre les grands ténors de la finance mondiale, contre la domination occidentale. Daesh se situe parmi les membres actifs. Ceux-là ne sont pas forcément membres des organes de décision, leur participation se limite à des fournitures de moyens financiers et logistiques. Après eux, il y a les combattants de la subversion, en l’occurrence les terroristes. Ils sont chargés de la phase d’exécution. Enfin, il y a les sympathisants actifs et passifs. On les appelle les cibles potentielles et peuvent être recrutées par une cible adversaire. Ils sont à tous les niveaux de l’échelle sociale, chez nous. Il se trouve même sans doute parmi nous des sympathisants qui ne sont ni actifs, ni passifs. Ils sont devenus des agents dormants, en attente d’activation pour se faire exploser.

Pourquoi décidez-vous de tirer la sonnette d’alarme ?

J’ai passé les 15 dernières années de ma vie à traquer des terroristes en Afrique. Je fais partie des mieux placés aujourd’hui pour parler et décrypter tous ces signaux, parce que je les ai moi-même vécus dans une guerre civile. Ce que nous n’avons pas encore en France. Aujourd’hui, nos policiers ne sont pas formés pour détecter ces comportements. Et la politique française n’a pas les bonnes solutions. Beaucoup sont incompétents. Quand on voit le résultat des régionales, la politique du gouvernement est un échec total. Il y aura un chaos en France, et il est inéluctable.

Comment faut-il combattre Daesh ?

Il y a cinq grandes étapes à respecter dans la lutte contre la subversion. La première est essentielle : c’est la qualité de la communication. Il faut former les jeunes dans nos écoles, créer un dialogue, expliquer aux gens ce qu’est l’islam. Les musulmans sont les bienvenus en France, il faut leur dire ! Or, je n’ai pas encore vu un discours politique où l’on tend une main. Bien communiquer, cela va plus loin que manipuler une presse et demander aux Français de mettre des drapeaux à leurs fenêtres. Le deuxième point, c’est la qualité du renseignement. En France, on est très bons. On a des agents d’une qualité rare. Mais tous ceux que je connais estiment que les politiques n’ont pas conscience de ce qu’il se produit aujourd’hui. Notre pays n’écoute pas ses services de renseignement. La troisième étape est la qualité des hommes, que nous n’avons pas aujourd’hui. Il y a également celle des armes.

Et enfin, c’est très important, il y a la connaissance du terrain. Quelle est la situation dans nos cités ? Peut-on dire que dans telle ville, il n’y a aucune arme cachée dans un coin ? Il faut connaitre notre terrain. Or, pour l’instant, les ennemis le connaissent mieux que nous. De même, si on va chez eux, nous risquons d’avoir de gros soucis. Ce sont des gens qui travaillent à l’ancienne, à l’instinct, à la limite de la magie. Au Mali, les Bédouins et les Touaregs sont véritablement chez eux. Ils regardent les étoiles et savent où ils sont. Ils voient les satellites passer, à l’œil nu. Ils me disent : « Tu vois le truc qui bouge, là, c’est un satellite américain ». Ils changent les puces de leurs portables aussitôt ! C’est ce genre de personnes qu’il faudra traquer. Nos policiers et nos gendarmes sont bien sûr compétents, mais ils ne sont pas du tout préparés à ce type d’opérations.

N’y a-t-il aucune solution pour contrer cette entreprise de subversion à la source, hors des frontières françaises ?

On atteindra la source par la vérité de la communication. Aucun pays victime d’une attaque de subversion n’a réussi à la vaincre, sauf un seul, Cuba. La guerre d’Indochine, du Vietnam, d’Algérie étaient des guerres de subversion : la France, comme les États-Unis, n’ont rien compris et se sont pris une raclée. Cuba est le seul pays au monde, à mes yeux, à avoir vaincu une entreprise subversive à l’aide d’une communication très qualitative. Ils ont créé une icône, Che Guevara. Aujourd’hui encore, quand on parle de révolution, on utilise son image. Il n’y a pas eu mieux que Fidel Castro. Cuba, c’est chez lui, il a une connaissance parfaite du terrain. Il n’y a pas un paysan qui ne passera pas le coup de fil parce qu’il a vu quelqu’un qui n’était pas du village. En plus, il avait les Russes à ses côtés pour l’aider dans la gestion du renseignement et des armes. Quant aux hommes, Castro les choisissait lui-même.

La France est-elle à ce point incapable de lutter efficacement contre Daesh ? N’y a-t-il personne pour faire remonter toutes ces informations au gouvernement ?

Les politiques n’ont rien anticipé, même dans les casernes militaires, aucun personnel ou dispositif n’est préparé à ce type d’opération. C’est un scénario considéré comme quasiment impossible sur le territoire national. On l’a négligé parce qu’on n’a pas la qualité des hommes, encore une fois. Nos gouvernants ne comprennent pas, comme ils n’ont pas compris en Indochine ou en Algérie.

En Libye, par exemple, on a voulu faire tomber Kadhafi, mais personne n’a fini le travail. Maintenant, ses hommes, qui ont été formés à la dure en lien avec le KGB russe et les Israéliens, forment à leur tour des jeunes qu’on retrouve chez les Touaregs, chez Boko Haram. Et quand ils sont au cœur de l’Afrique, cela devient compliqué de les déloger ! Si on doit aller en Syrie, il faut savoir que notre armée n’est pas préparée. L’entreprise de subversion ne fait jamais de guerres, que de la guérilla. C’est indétectable, ça sort de partout, ça crée la peur. En une semaine, huit individus ont quand même mis deux pays à genoux !

A l’échelle du citoyen, quel comportement peut-on adopter pour lutter au mieux ?

Le citoyen doit s’impliquer. Il doit comprendre que nous sommes en guerre, que sa propre existence est menacée, parce qu’en face de lui il aura des combattants de la subversion qui eux ne veulent qu’une seule chose, le tuer. Il faut que ce soit très clair. Dès qu’un citoyen observe quelque chose d’anormal, il doit appeler la police.

Pour faire un parallèle, la Suisse est la terreur des services de renseignement. On peut arriver dans un village et simplement garer son véhicule pour surveiller une personne : dans les 10 minutes qui suivent, la police viendra toquer à la vitre parce qu’elle a reçu un appel d’un riverain inquiet. En France, on peut assassiner un juif dans un appartement à Bagneux, le découper en morceaux pendant 24 jours, personne n’entend rien. C’était l’affaire Fofana (Jean-Claude Vannier fut la source anonyme en Cote d’Ivoire qui a permis l’arrestation de Youssouf Fofana, le chef du gang des barbares, ndlr).

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