11 NOVEMBRE 2015
ALLOCUTION DE JACQUES MYARD
Député-Maire de Maisons-Laffitte
“La guerre de troie aura toujours lieu !”
Après la bataille de la Marne et l’échec du plan Schlieffen qui devait abattre la France en quelques semaines d’un mouvement tournant à travers la Belgique, après la course à la mer et les tentatives pour déborder l’ennemi en l’attaquant sur ses flancs, le front à l’Ouest se stabilise.
Il se stabilise et s’enterre de la mer du Nord à la frontière suisse.
La guerre des tranchées commence.
Du Nord au Sud-Est des centaines de milliers d’hommes sont face à face.
Les combattants ont creusé plus de dix mille kilomètres de tranchées, de boyaux qui relient les premières lignes aux lignes arrière.
Souvent il n’y a que quelques dizaines de mètres entre les lignes adverses.
Les hommes font corps avec le sol, ils s’observent avec des périscopes par-dessus les parapets.
La première tranchée est un monde à part où il faut simplement survivre.
La veille est longue, on n’est jamais à l’abri d’un coup de main, d’une attaque surprise.
Puis vient la relève au bout de quatre ou cinq jours.
« Enfin, on va partir, hé les gars, la relève !(…)
Adieu, et sans regrets, pavillon de rondins,
où j’ai passé, crotté, tout un hiver sans rêve.
Dieu, avons-nous eu froid ! Combien de nuits de veille
passées à patauger dans les boyaux boueux, (…)
Et là-bas ces dormeurs, raidis, que rien n’éveille. »
Roland Dorgelès
« Jamais autant d’hommes
n’ont enduré autant de
souffrances, de misère.
Jamais l’héroïsme n’a été aussi obscur. »
Raymond et Jean-Pierre Cartier
« Je croyais que le pire enfer de la guerre serait la flamme des obus.. . Mais non, l’enfer c’est l’eau. »
Henri Barbusse
Cette guerre de tranchées d’eau et de boue, ce champ de bataille dominé par l’artillerie lourde allemande, ce front fixe, défensif qui rend impossible tout mouvement ne répond en rien à l’enseignement stratégique de l’Etat-major pétri du concept de l’offensive.
Pour Joffre il faut percer pour repousser hors de France l’ennemi.
Joffre et Foch décident en Artois et en Champagne de passer à l’offensive. L’objectif, c’est Lorette et Vimy.
Plusieurs corps d’armée sont engagés le 17 décembre 1914, le 21e sur Notre Dame de Lorette, le 33e corps sur Carency.
En trois jours, la Xe armée perd 1836 soldats et 103 officiers, 749 hommes sont portés disparus.
L’état du terrain empêche toute progression, les hommes ne peuvent pas sortir des tranchées inondées.
Le 15 janvier 1915 Foch décide d’arrêter l’offensive.
Après une préparation minutieuse, Foch décide en mai 1915 de reprendre l’offensive.
Dès le 4 mai l’artillerie lourde pilonne les positions allemandes, pendant cinq jours.
Le 9 mai l’artillerie allonge le tir, l’infanterie attaque.
La division marocaine avec le 1er régiment étranger et le 7e Tirailleurs bouscule les lignes allemandes et pousse vers le Petit Vimy.
Mais l’avancée est trop rapide et les réserves restées en arrière tardent à arriver sur le front pour exploiter la percée.
L’ennemi contre-attaque, les mitrailleuses allemandes fauchent les fantassins.
Les Allemands lancent l’assaut à Neuville Saint-Vaast, sur les pentes de Notre Dame de Lorette et au ravin du Buval.
Ils sont repoussés. A partir du 25 juin, le front se stabilise, la violence des contre-attaques de l’ennemi grâce à la supériorité de son artillerie lourde oblige le commandement français à suspendre l’attaque.
Sur 6 km de front, l’ennemi a reculé entre 3 et 4 km.
Carency et Ablain que les Allemands considéraient imprenables sont enlevées.
Le front allemand n’était plus inviolable. Mais les pertes sont très lourdes, 17 000 soldats, 600 officiers tombent au champ d’honneur.
Ces chiffres, ces statistiques restent trop froids et ne traduisent pas la fureur des combats que décrit avec émotion Louis Barthas, tonnelier.
« Lorette ! Nom sinistre évoquant des lieux d’horreur et d’épouvante, lugubres bois, chemins creux, plateaux et ravins pris et repris vingt fois(…) On se massacra sans arrêt, faisant de ce coin de terre un vrai charnier humain… ».
Et Louis Barthas ajoute
« A l’entrée d’un boyau se trouvait appuyé contre le talus, semblant dormir un jeune allemand ; il n’avait aucune trace de blessure, mais la mort l’avait effleuré de son aile, respectant le sourire qui flottait encore sur cette figure juvénile. »
Dans cet enfer de chair et de sang toute humanité n’avait pas disparu.
Un siècle nous sépare de ces événements tragiques. Un sentiment d’incompréhension tel un vertige nous gagne et du fond du cœur monte un seul cri : pourquoi ?
L’histoire est là et il ne sert à rien de vouloir la réécrire, de vouloir la modifier selon nos vœux, selon nos raisons.
L’histoire est là et taraude nos esprits de mille questions.
Mais n’oublions jamais que la Patrie était en danger de mort, attaquée par un ennemi implacable.
Nos pères ont fait leur devoir pour arrêter un ennemi épris de conquêtes, convaincu de sa supériorité culturelle et civilisatrice, un ennemi enclin à l’hubris, à la démesure qui pousse à la folie.
Nos pères ont tenu jusqu’à la victoire de 1918 dans des conditions de sacrifice incroyables qui suscitent
-notre révolte quand le commandement lance des attaques répétées face aux mitrailleuses qui fauchaient sans répit,
-mais ils forcent notre admiration pour leur résistance.
Nous leur devons notre liberté. Ils ont pris place à jamais dans l’histoire multiséculaire de la Nation, dans l’Histoire de la Nation où génération après génération des hommes épris de liberté se sont levés les armes à la main contre l’envahisseur jusqu’au sacrifice suprême.
En un siècle la raison l’a emporté, après, il est vrai, une seconde guerre mondiale encore plus terrible, les Nations européennes se sont réconciliées, l’Allemagne est désormais un partenaire solide.
La Russie notre alliée en 1914 s’est débarrassée de la gangue idéologique du communisme et au-delà des crises passagères elle est un partenaire économique, culturel et diplomatique incontournable pour la Paix en Europe.
Mais aujourd’hui comme hier gardons nous des illusions pacifistes.
Aujourd’hui comme hier, la Paix pour la Paix n’est pas de ce monde.
Aujourd’hui comme hier, la guerre de Troie aura toujours lieu !
Le fanatisme, la haine de l’autre continue de rôder et de frapper au nom de l’intégrisme et de l’extrémisme religieux dans notre village planétaire.
Ne soyons ni naïfs ni lâches, c’est de notre volonté, de notre détermination, de la mobilisation de nos forces spirituelles et matérielles que dépend toujours notre liberté, notre indépendance nationale.
– nos forces spirituelles, c’est l’amour de la patrie, son service, c’est le rejet de toutes les dérives communautaristes.
Etre français est un privilège pour tout citoyen qui se mérite, la Nation est un bien commun, le lieu par excellence de la démocratie, le cadre de notre destin individuel et collectif au-delà de toutes nos différences.
– ne négligeons pas nos forces matérielles,
notre défense est aujourd’hui malmenée par des comptables budgétaires à courte vue alors que montent des périls redoutables.
Comme à chaque fois que nous négligeons nos armées, nous risquons de le payer très cher.
– Aucune alliance ne peut se substituer à nos efforts nationaux.
-La France a des Alliés mais ne peut être vassale de quiconque.
Voilà pourquoi, il existe un lien indicible, mais bien réel et très fort entre
– les Poilus de 14-18
– les forces françaises libres qui ont rallié le Général de Gaulle
– les résistants de l’ombre sous l’occupation nazie et aujourd’hui
– les soldats de Barkhane en mission dans le Sahel
Tous unis à travers le temps et l’Histoire, ils combattent dans un même esprit.
Soldats vous défendez toujours dans le concert des Nations notre liberté.
Vive nos Alliés !
Vive les Nations européennes réconciliées !
Vive la République !
Vive la France !