De ce côté-ci de l’Atlantique, nos mass media dépendants n’ont de cesse de taper à bras raccourcis sur Donald Trump, le mégalomane narcissique, lui préférant une Hillary Clinton hystérique et inconstante, mais bien plus conforme aux canons du politiquement correct à la française qui, par surcroît, ne connaît rien aux institutions et à la politique américaines. Ceci expliquant cela. Le journaliste André Bercoff, dans un essai enlevé, narre par le menu l’irrésistible ascension de celui qui, naguère, tandis que son nom s’inscrivait sur tous les gratte-ciel de Manhattan en lettres fluo, confiait à l’auteur vouloir entrer en politique « si je pense que je peux être un jour président des États-Unis. Sinon, ça ne m’intéresse pas. »
L’ouvrage débute par un entretien avec le candidat à la Maison-Blanche, publié depuis dans Valeurs actuelles. L’homme qui vaut, au bas mot, 10 milliards de dollars ne fait pas dans la dentelle euphémistique et apparaît comme il est dépeint péjorativement par l’oligarchie : un populiste, soit un type qui « fait la politique du XXIe siècle [et qui] entre Facebook, Twitter et Instagram, [est] suivi par 12 millions de personnes ». Un homme enfourchant sans ménagement le cheval du réel, au risque de se rompre le cou en domestiquant une monture aussi farouche. Le symbole ultime et impromptu d’une ancienne Amérique, celle de la conquête de l’Ouest. Le dernier Cimarron.
Bercoff livre une analyse très juste en expliquant pourquoi ce multimilliardaire à la chevelure loufoque comme Trump parvient à parler à la « Deep America », cette Amérique profonde des déclassés, sans-grade et sans-dents.
À l’instar des lointains bâtisseurs de cités au fin fond de l’Oklahoma, de l’Oregon, de la Virginie ou du Texas, Trump incarne le rêve américain par excellence, quand ses devanciers, jusqu’à Obama, se sont prosaïquement contentés de perpétuer une alternance Démocrates/Républicains qui n’était, finalement, que le reflet des vœux de l’oligarchie. La « Destinée manifeste » américaine devait se confondre, dorénavant, avec les plans du Bilderberg, de la Trilatérale ou du forum de Davos. Les États-Unis, tout en conservant leur leadership, rejoignaient le club des États entrés dans la postmodernité, celle de la démocratie sans les peuples.
Jadis, Charles Maurras écrivait que l’Amérique était le pays des excès érigés en institution. Avec ses outrances verbales, ses saillies grandiloquentes, ses formules assassines, ses shows monstres dans des stades surpeuplés et surchauffés Trump, candidat hors-norme, à l’ego surdimensionné, ne cache rien ; ni sa colossale fortune, ni son ambition, ni sa magnifique troisième épouse. Des millions d’Américains lui en savent gré. C’est un boxeur ; il cogne tous azimuts ; il a envie de gagner. Ses adversaires vacillent. Le système tremble sur ses bases. Le peuple exulte.
À l’évidence, Donald Trump renferme la quintessence de l’Amérique WASP. S’il est à ce point honni par la superclasse mondiale, c’est bien parce qu’il constitue le dernier bastion de résilience d’un pays qui ne veut pas mourir emporté par le tsunami d’une immigration (principalement) hispano-américaine croissante, tandis que sa dette publique est majoritairement détenue par la Chine (1 270,5 milliards de dollars), autre grande puissance.
Si Trump apparaît comme la voix d’une certaine Amérique, « ne pas oublier, cependant, qu’ils sont des millions à ne pas supporter ni son look, ni ses manières, à considérer qu’il se situe à la droite de Mussolini et qu’il va déclencher la Troisième Guerre mondiale », relève Bercoff, qui note que « Hillary Clinton ne sera que la continuation d’Obama par les mêmes moyens et que l’époque exige des volontés trempées dans le dur effort de durer ».