C’est quasiment devenu un genre littéraire à part entière que de savoir ce qui se passerait si le Front national parvenait aux affaires. Nouveau venu dans cet exercice de style : Joël Gombin, sûrement très connu de sa famille et de ses proches amis, « chercheur en science politique à l’université de Picardie Jules-Verne », à en croire le site Slate.fr, dont il est l’un des collaborateurs occasionnels. Et ce « spécialiste de la sociologie électorale » de signer un sympathique petit livre sobrement intitulé Le Front national.
Pour aller court et faire bref, autant l’hypothèse d’un lepénisme élyséen relevait naguère du domaine de l’impossible, voilà qu’il participe désormais de celui du possible. Après, plusieurs scénarios sont envisageables. Énumérons.
Option humaniste. Marine Le Pen arrive à l’Élysée, le soleil s’arrête de briller et la Terre de tourner. Le chômage passe la barre des 110 %. Les intermittents du spectacle prennent le maquis au Marais. La Seine sort de son lit et le zouave du pont de l’Alma a de l’eau jusqu’aux roulettes. La valise RTL se délocalise en Suisse pour fuir l’inquisition fiscale. Patrick Cohen, au péril de sa vie, quitte France Inter pour animer la matinale de Radio Courtoisie, sous le fouet d’Henry de Lesquen, en guêpière et porte-jarretelles, façon Portier de nuit. L’OTAN déclare la guerre à la France. Des fumerolles nauséabondes sentant l’ordre noir, pire qu’un camembert oublié sur la cuvette des toilettes, empuantissent le trou de la couche d’ozone.
Et Kim Kardashian, par un bel élan démocratique, refuse de venir se faire détrousser à Paris durant la Fashion Week.
Option vieille France. L’euro n’est plus, remplacé par le louis et la pistole, les ronds-points sont remplacés par des ponts-levis. La grande distribution doit s’acquitter de la gabelle, Éric Zemmour prend la direction du Parc Astérix, et Cyril Hanouna est envoyé dans les mines de sel. Et c’est le début d’une nouvelle croisade, guerre « juste » destinée à libérer la Jérusalem occupée.
Option boboïde. Florian Philippot à Matignon, la grande chasse aux tarlouzes est ouverte treize mois sur douze. On brûle les disques de Dave et de Klaus Nomi, alors que pédaler en Vélib’ est passible de la peine de mort. Petite consolation, néanmoins : les cendres de Jacques Chazot entrent au Panthéon alors que Bertrand Delanoë demande l’asile politique en Corée du Nord.
Option plus raisonnable, celle du livre ici évoqué. Les choses se passent actuellement si mal qu’elles ne peuvent qu’aller que mieux. Bien sûr, ça coince. Ça ronchonne du côté de Bruxelles. Ça piaille de celui de Strasbourg et de Berlin. Et alors ? Ces instances n’ayant pu mettre à genoux la petite Hongrie parviendraient-elles à faire de même de la grande France ? Washington piaule ? Ça leur passera. Une femme à l’Élysée ? Pourquoi pas, et surtout lorsque blonde de surcroît. Les demandeurs d’asile et autres apprentis terroristes nous fuiront – quelle catastrophe. Les plombiers polonais iront bosser ailleurs – quelle apocalypse – tandis que les fauteurs de guerres seront obligés d’aller exercer ailleurs leurs talents – quelle ordalie.
Il n’est pas interdit de tenter cette option en début d’année prochaine.