Comment le viaduc de Polcevera a-t-il pu s’effondrer ? Au moins trente personnes sont mortes, mardi 14 août, lors de l’écroulement de ce pont autoroutier situé à Gênes (Italie), selon le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, qui a évoqué “un désastre inacceptable”.
Pour en savoir plus sur cette structure et mieux comprendre les causes éventuelles de cette catastrophe, franceinfo s’est tourné vers Michel Virlogeux, ingénieur des ponts et chaussées et concepteur, notamment, du célèbre viaduc de Millau (Aveyron), du pont de Normandie et du troisième pont sur le Bosphore, le pont Yavuz Sultan Selim, en Turquie.
Franceinfo : Quelles sont les principales caractéristiques du viaduc de Polcevera ?
Michel Virlogeux : C’est un ouvrage conçu par Riccardo Morandi, qui était un grand ingénieur italien. Il a construit trois ouvrages sur le même modèle : le pont du général Rafael Urdaneta sur le lac de Maracaibo, au Venezuela, qui est le plus important des trois ; le viaduc de Wadi el Kuf, en Libye ; et le viaduc de Polcevera à Gênes, dont on parle aujourd’hui.
Ces trois ouvrages ont une structure très particulière : chaque pylône est formé de plusieurs éléments, un “V” renversé au sommet et un “V” dans le sens normal, qui permettent de soutenir le tablier [la structure sur laquelle passe la route]. Ce qui est notable, c’est que le tablier n’est pas continu : une partie est portée par chaque pylône et ses haubans [les barres ou câbles qui partent des pylônes pour maintenir la structure en place], et entre ces sections, vous avez une travée suspendue.
Quels sont les défauts de cet ouvrage ?
Ce type de structures a l’inconvénient de ne pas être très économique, il consomme beaucoup de matière. Ce n’est pas dans cette direction que les ponts à haubans se sont développés. Tout le monde, y compris moi, a plutôt suivi les architectes allemands qui ont développé ce type de structures dans les années 1950, qui se sont imposées comme des modèles.
J’ai entendu que d’importants travaux de rénovation avaient eu lieu sur le viaduc de Gênes, mais j’en ignore la nature. Cela dit, ce pont avait 50 ans, et il n’est pas anormal qu’il y ait des travaux de réparation au bout de cette période. Aujourd’hui, les grands ponts comme celui de Normandie ou le viaduc de Millau sont équipés de dispositifs de monitoring, et sont surveillés de manière permanente. Des interventions ont lieu lorsque certaines choses ne fonctionnent pas comme prévu.
Avez-vous une hypothèse sur les causes de cet effondrement ? Certains témoignages font état d’un orage et d’un éclair qui aurait frappé le pont.
J’ignore dans quel ordre la structure s’est effondrée : si je le savais, je pourrais connaître la cause précise de l’effondrement.
Concernant l’hypothèse de la foudre, je suis un peu sceptique. Il y aura sans doute une expertise, et il faudra examiner le sommet du pylône pour voir si la foudre aurait pu provoquer un désordre majeur, mais j’ai plutôt tendance à penser à un problème de vieillissement et de corrosion. Cette corrosion pourrait avoir touché les haubans ou les armatures au niveau où sont situées les fameuses parties suspendues du tablier. De manière générale, en cas d’accident, on inspecte d’abord l’état du béton utilisé.