Le massacre pervers des Petites filles modèles!

 

Belfond dans sa collection remake propose aux auteurs de puiser dans le patrimoine littéraire une œuvre qui les a marqués et d’en faire le remake. Tout est permis, pourvu que le souvenir de l’original ne soit jamais perdu. Ainsi, Romain Slocombe s’est totalement approprié Les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur en réinventant l’histoire originelle et en la prolongeant.  Ou comment, de rose, celle-ci devient noire, et absolument pervertie, dangereuse, interrogeant les notions de bien et de mal, virant aussi bien fantastique que sadienne.. Trouvant même son inspiration jusque dans des contes macabres, il est peu de dire que l’on bascule dans un autre univers. (…)

Marguerite, Camille et Madeleine ont grandi, on les retrouve à l’âge de la puberté, lorsque la chrysalide est devenue papillon. Dans le récit, leurs mères continuent de veiller au grain, elles sont omniprésentes et tout le récit se concentre sur les relations bilatérales entre les mères et leurs progénitures : Mme de Rosburg emmène Marguerite dans les Pyrénées. Tandis que Mme de Fleurville, veuve d’un officier mort au combat, mère de Madeleine et Camille se prend d’amitié pour Marguerite et sa mère, qu’elle recueille, à la suite d’un accident de voiture. (…)

Tandis que Marguerite, aussi douce et sage que mystique, ne supporte pas les diktats de son éducation chrétienne. Elle exorcise son désir coupable et se mutile chaque fois qu’elle se masturbe. Avec Camille, elle découvre l’homosexualité. Madeleine et Camille brandissent alors leur liberté en étendard ; le roman bascule une première fois, tout en restant néanmoins fidèle au premier scénario imaginé par la Comtesse de Ségur.  Les jeunes filles seront perdues dans la forêt, surprises par l’orage, il y a bien le boucher Hurel qui tentera d’abuser d’elles, le château de Fleurville partira en fumée, et il sera également question d’une fugue en Espagne…

Romain Slocombe jubile à nous dévoiler la perversité des unes et des autres. Possédées par les esprits, démonisées, s’égarant et se perdant en remous très troublés, elles semblent prêtes à commettre des choses abominables. Le roman gagne en puissance et en noirceur plongeant de nouveau dans les abîmes de ces histoires à tiroirs qui font le sel des contes vampiriques. Et soudain, l’horreur.

C’est un livre passionnant, captivant, superbement écrit, libertaire, désinhibé quant à tout ce qu’il révèle sur le corps, la métamorphose du corps féminin (la peur du sang) et la morale (et son corollaire). Il est traversé par une fantasmagorie toute sadienne – on l’a dit – dans laquelle il puise toute sa genèse, avec sa dose nécessaire et subtile de touches érotiques, évoluant vers la littérature fantastique. (…)

Romain Slocombe est écrivain, auteur de romans noirs, réalisateur, illustrateur, photographe et artiste. Les petites filles modèles est son dernier roman.

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