Benoît-et-moi a traduit article très intéressant publié le 26 mai dans le quotidien des évêques italiens Avvenire. C’est l’entretien d’un neuroscientifique anglais de renommée internationale, Adrian Owen, athée, qui explique comment il parvient à établir un dialogue avec les patients dits “en état végétatif” (lui-même récuse formellement cette qualification, et s’en explique):
Cela a-t-il encore un sens de parler d’état végétatif?
Absolument pas. Pour aucune catégorie de patients, je ne peux parler d’état «permanent», «persistant» ou «irréversible», la situation fluctue. Au cours des dix dernières années, nous avons fait de grands progrès, grâce à l’IRMF, le neurologue peut aujourd’hui lire dans l’esprit des patients qui conservent des traces de réactivité, et le changement historique sera le retour du choix dans les mains du patient: dans les cas où une activité cérébrale même minime est détectée, il pourra s’exprimer sur sa santé mais aussi sur ses autres désirs. Les différents interprètes – conjoints, médecins, juges – ne peuvent pas savoir quelle est sa véritable volonté actuelle.
Avez-vous déjà demandé à ces patients s’ils apprécient leur vie?
Je n’ai posé la question qu’au premier avec lequel j’ai communiqué, mais c’était la seule question qui n’a pas eu un oui ou un non clair: ce n’est pas une question minime, la réponse peut être “oui à condition que vous me soulagiez de ma douleur” ou “oui à condition que je ne sois pas laissé seul“… J’ai décidé de ne plus poser cette question tant que nous ne disposerons pas d’instruments de dialogue plus précis. Mon collègue Steven Laureys, cependant, a demandé aux personnes atteintes du Locked-in syndrome (apparemment inconscientes, elles ne font que bouger leurs paupières) et les résultats montrent que leur qualité de vie est considérée satisfaisante.
Avez-vous plus de chance de vous réveiller dans la famille qu’à l’hôpital?
L’environnement familial stimule la conscience de ces personnes et est une source de grande énergie: qu’elles soient à la maison ou à l’hôpital, tous ceux qui se sont réveillés avaient une présence très forte de leurs proches à leurs côtés.
Comment réagissent les membres de la famille lorsque votre équipe peut dialoguer avec leurs proches, qui étaient auparavant considérés comme inconscients?
Ils nous demandent de leur communiquer ce qui s’est passé après l’accident ou l’anévrisme, la naissance d’un petit-enfant, un mariage… Les questions que nous posons, en revanche, servent à sonder scientifiquement leur réactivité et à améliorer leur vie: s’ils veulent entendre de la musique ou voir du rugby, s’ils se sentent en sécurité, s’ils ont mal, s’ils se souviennent de l’accident.
En ces temps de dérive euthanasique, ce sont des découvertes très importantes du point de vue éthique…
Sans aucun doute. Nous savons maintenant qu’il n’y a pas de catégories fixes, comme l’écrivent les journaux, mais des états variables aux évolutions imprévisibles.