Henri Rousseau est le fils d’un ferblantier de Laval (Mayenne). Il fréquente le lycée mais n’achève pas ses études secondaires. Ses prédispositions artistiques apparaissent rapidement puisqu’il obtient en 1860, à l’âge de seize ans, un prix de dessin et un prix de musique. Devenu employé chez un avoué d’Angers, il commet un abus de confiance entraînant des poursuites. Il est alors condamné à un mois de prison. Il s’engage ensuite dans l’armée et y rencontre des militaires ayant participé à l’expédition française au Mexique (1861-67). De là naîtra la légende qu’il participa lui-même à cette expédition et s’inspira ensuite des paysages mexicains pour élaborer ses jungles. En réalité, Rousseau n’a jamais quitté la France.
Il quitte l’armée en 1868 et s’installe à Paris. Il se marie en 1869 avec Clémence Boitard qui lui donnera sept enfants, dont un seul parviendra à l’âge adulte. D’abord employé chez un huissier, il obtient en 1871 un poste à l’Octroi de Paris, administration fiscale qui contrôlait l’entrée des marchandises sur le territoire de la commune et percevait à cette occasion une taxe (appelée également octroi). Rousseau n’était donc pas véritablement douanier, mais exerçait une fonction similaire du fait de la survivance de douanes intérieures. C’est Alfred Jarry (1873-1907), poète et écrivain français, qui lui attribuera le sobriquet Douanier Rousseau resté célèbre par la suite. Rousseau reste à l’Octroi de Paris jusqu’à 1893.
Il commence à peindre en amateur dès le début des années 1870 et obtient en 1884 une carte de copiste du musée du Louvre. Un salon sans jury, le Salon des Indépendants, ayant été créé à Paris, il y est présenté par le peintre pointilliste Paul Signac (1863-1935). Il expose pour la première fois à ce salon en 1886 et continuera chaque année jusqu’à sa mort, sauf en 1899 et 1900. Le Salon des indépendants permet à Henri Rousseau d’acquérir une certaine notoriété dans le milieu artistique. Mais n’ayant reçu aucune formation académique, son travail n’est pas pris au sérieux, comme le rappelle Guillaume Apollinaire dans un article publié après la mort du peintre :
« Peu d’artistes ont été plus moqués durant leur vie que le Douanier, et peu d’hommes opposèrent un front plus calme aux railleries, aux grossièretés dont on l’abreuvait. Ce vieillard courtois conservera toujours la même tranquillité d’humeur et, par un tour heureux de son caractère, il voulait voir dans les moqueries mêmes l’intérêt que les plus malveillants à son égard étaient en quelque sorte obligés de témoigner à son œuvre. Cette sérénité n’était que de l’orgueil bien entendu. Le Douanier avait conscience de sa force. » (*)
Sa femme meurt en 1888. Sur ses sept enfants, seule lui reste une fille qu’il confiera à la famille de son frère à Angers. L’Exposition universelle de Paris en 1889 a sans doute joué un rôle dans le choix de ses thèmes picturaux. Il peut en effet y observer des paysages africains ou asiatiques reconstitués pour l’occasion. Rousseau écrira même un vaudeville, Une visite à l’Exposition de 1889, pour évoquer son enchantement devant cet exotisme En 1893, il prend sa retraite de l’Octroi de Paris et peut se consacrer entièrement à la peinture. Il se remarie en 1899 avec Joséphine-Rosalie Nourry qui mourra en 1903.
Au début du 20e siècle, sa peinture suscite l’intérêt de l’avant-garde artistique qui se passionnait déjà pour les arts primitifs (aujourd’hui premiers). Alfred Jarry, originaire de Laval comme Rousseau, et devenu son ami, l’introduit dans le milieu artistique. Rémy de Gourmont, Guillaume Apollinaire, Paul Signac, Robert et Sonia Delaunay, Picasso et bien d’autres commencent alors à s’intéresser à ce peintre naïf. A la mort de Rousseau en 1910, Apollinaire compose un poème qui sera gravé sur la tombe du peintre :
Gentil Rousseau tu nous entends
Nous te saluons
Delaunay sa femme Monsieur Queval et moi
Laisse passer nos bagages en franchise à la porte du ciel
Nous t’apporterons des pinceaux des couleurs des toiles
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