C’est une découverte qui pourrait rebattre les cartes au Moyen-Orient. Celle du plus grand bassin gazier jamais mis au jour aux portes de l’Europe. Mais l’étendue de cette ressource se confond avec le tracé de frontières contestées entre États rivaux. Enquête de notre reporter, Marine Pradel, sur ce gaz qui suscite toutes les convoitises.
Les milliards de mètres cubes de gaz naturel découverts ces dernières années au large d’Israël, de l’Égypte et de Chypre forment ce qu’on appelle désormais le “bassin gazier du Levant”, le plus important ensemble de gisements jamais découvert aux portes de l’Europe.
C’est en 2009 que le premier gisement d’importance, baptisé Tamar, a été découvert au large de Haïfa, en Israël, par le consortium israélo-américain Noble Energy – Delek-Avner. D’autres gisements ont ensuite été mis au jour dans la zone du “bassin du Levant” : Leviathan (Israël), Aphrodite (Chypre), mais surtout Zohr, en 2015, au large de l’Égypte, le plus gros gisement jamais découvert en Méditerranée, plus important que tous les autres gisements réunis. Il a été mis à jour par le pétrolier italien Eni, qui a commencé à l’exploiter et vise un début de production pour la fin 2017.
De son côté, Israël, appuyé par le parrain américain, fore à marche forcée, porté par un credo libéral et idéaliste : l’exploitation du gaz va imposer une coopération commerciale aux États de la région, coopération qui engendrera paix et stabilité…
De nouveaux conflits en germe
Mais ce gaz naturel sous l’eau de la Méditerranée porte aussi en lui les germes de nouveaux conflits : à Chypre, il menace les efforts de réunification. Au Liban, la présence d’un gisement à cheval sur la frontière maritime contestée avec l’État hébreu dope la rhétorique guerrière du Hezbollah. La manne gazière espérée se chiffre en milliards de dollars… avec en ligne de mire, le très convoité marché européen du gaz, chasse gardée des Russes.
“Il n’y a plus seulement quelques pêcheurs intéressés par ces eaux… Tout à coup, on parle de milliards et de milliards de dollars !”, résume à France 24 l’envoyé spécial du Département d’État américain pour la Diplomatie énergétique, interrogé à Washington. L’enjeu est de taille. Au total, ce sont près de 3 500 milliards de mètres cubes de gaz naturel qui seraient enfouis en Méditerranée orientale, selon une étude de l’US Geological Servey.
De l’Égypte à la Syrie en passant par le Liban, Israël et Chypre, notre reporter a enquêté sur cette ressource à double tranchant, qui réveille les vieux réflexes de la Guerre froide et pourrait bien bouleverser l’ordre géopolitique de la région, pourtant déjà instable.
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