Pascal Dayez-Burgeon vient d’écrire un livre très intéressant intitulé « Byzance la secrète », paru aux éditions Perrin.
Byzance, à en croire la Désencylopédie en ligne qui parodie ironiquement Wikipédia, « est un truc que personne ne connaît, dont personne n’a rien à faire, et qui a pour principale propriété d’être incroyablement compliqué et ennuyeux ». C’est évidemment une plaisanterie, mais qui correspond à ce que beaucoup pensent sans oser se l’avouer. L’objectif de cet essai vise donc à porter un autre regard sur Byzance et à souligner la modernité d’un empire qui, pendant un millénaire, a fait face à des défis qui sont toujours les nôtres : le despotisme, le fanatisme religieux, la guerre ou le rapport complexe entre l’Orient et l’Occident. A ce titre, l’auteur a choisi de se concentrer sur les moments essentiels de l’histoire de Byzance, en mettant en lumière ses principaux enjeux et en dénonçant ses principaux clichés : non, Istanbul n’est pas le nom turc de Constantinople, non, Théodora n’était pas une simple montreuse d’ours et non, Byzance ne rime pas forcément avec exubérance, décadence et manigances.
Byzance la secrète – Pascal Dayez-Burgeon – Perrin – 21€
Nous nous sommes entretenus avec l’auteur sur son ouvrage – qui évoque un nom et une histoire qui finalement, sont méconnus du grand public.
Breizh-info.com : Tout d’abord, pourquoi avoir affublé Byzance de l’adjectif « la secrète » ?
Pascal Dayez-Burgeon : Parce qu’il s’agit d’une histoire fort mal connue et qui, compte tenu des sources souvent lacunaires que nous en avons, recèle encore bien des secrets. Qui était Théodora, par exemple l’épouse de Justinien, une courtisane comme le prétend la légende ou plutôt une Grace Kelly, la fille d’un parvenu qui a mis Justinien en contact avec les réseaux mafieux de Constantinople et ses fonds occultes ?
Breizh-info.com : On apprend dans votre ouvrage qu’Istanbul n’est pas le nom turc de Byzance. Expliquez-nous l’origine de cette méprise ?
Pascal Dayez-Burgeon : Les Turcs, originairement nomades, n’avaient pas pour habitude de rebaptiser les villes dont ils s’emparaient. Officiellement, Constantinople a gardé ce nom jusqu’en 1927, date à laquelle Mustafa Kemal Atatürk lui a substitué l’appellation populaire de Istanbul qui dérive de la locution grecque Eis tên polin qui veut dire en Ville ou la Ville.
Breizh-info.com : Byzance, Constantinople, est aussi le symbole de la conquête d’une partie de l’Europe par l’empire ottoman..pouvez vous revenir sur la chute de cette civilisation, et les raisons de sa chute ?
Pascal Dayez-Burgeon : Multiséculaire, l’empire romain, dont le centre a été déplacé de Rome à Constantinople en 330 – d’où l’appellation de byzantin, a été détruit par les croisés en 1204. De 1261 à 1453, les croisés ayant été éliminés, l’empire a refait un tour de piste, mais très affaibli. Les envahisseurs ottomans s’en sont donc emparés morceau après morceau. En somme, après la conquête de Constantinople en 1453, on peut dire que les Ottomans ont reconstitué l’empire byzantin à leur profit. D’où leur ambition de conquérir Rome et l’Europe. DAESH prétend aujourd’hui nourrir les mêmes ambitions
Breizh-info.com : Qui furent les personnages marquant de Byzance, dans l’histoire ?
Pascal Dayez-Burgeon : Ses grands empereurs bien sûr, Constantin, son fondateur, Justinien, qui a fait construire Sainte Sophie, Héraclius qui a défait les Perses, ou encore Alexis Ier comnène qui a accueilli somptueusement les croisés au début du XIè siècle, mais aussi les intellectuels et les savants comme Anthémius de Tralles, qui a construit sainte Sophie, ou Michel Psellos (XIème), encyclopédiste et pré-humaniste, ou encore Bessarion (XVès) qui a fondé la bibliothèque Marciana de Venise.
N’oublions pas non plus tous les artistes anonymes à qui l’on doit mosaïques et icônes.
Breizh-info.com : Pourquoi son histoire reste-t-elle finalement peu connue des Européens ?
Pascal Dayez-Burgeon : L’histoire byzantine est longue, complexe et multinationale : on y accepte ttes les langues, ttes les cultures , ttes les ethnies. Depuis le XIXè et la montée des Etats-nations puis du nationalisme, Byzance est donc très mal vue. Elle est pourtant un modèle d’avenir.
Breizh-info.com : Quels sont les ouvrages que vous lisez en ce moment et que vous recommanderiez à nos lecteurs ?
Pascal Dayez-Burgeon : Les religions, la parole et la violence de Claude Hagège, cet extraordinaire linguiste qui a encore beaucoup à nous apprendre : notre histoire est aussi une question de langues et la domination de l’anglais est loin d’être jouée
Breizh-info.com : Question hors sujet : que vous inspire la situation en Corée du Nord – un pays que vous avez étudié en profondeur – à l’heure actuelle ?
La Corée du Nord vit depuis 70 ans de l’instabilité dont elle menace cette région du monde essentielle qu’est le nord-est asiatique, à la frontière entre Chine, Russie, Etats-Unis et Japon. l’intention que semble avoir M. Trump d’accroître cette instabilité ne peut qu’inquiéter si elle se confirme.
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photos : DR
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