Anouilh de Jacqueline Blancart-Cassou

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Par Francis Bergeron

Anouilh, de son vivant, avait suscité de nombreuses études. Des études sur l’œuvre davantage que sur l’homme. La synthèse de Jacqueline Blancart-Cassou, parue dans la collection « Qui suis-je ? » de chez Pardès, est précieuse car, pour l’essentiel, on ne connaît donc l’auteur Jean Anouilh que par son théâtre, par une vingtaine de pièces, qui furent des succès et qui sont constamment reprises. Ou par quelques rares textes trop pudiques pour nous en apprendre beaucoup (Drôle de père, par Caroline Anouilh ou le texte autobiographique : La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique).

L’homme était très attachant, aussi. Attachant dans ses désespérantes tentatives pour être reconnu par Louis Jouvet (qui l’appelait « le miteux »), attachant dans son combat perdu pour sauver Robert Brasillach, attachant dans sa compassion pour les épurés de 1944, qu’il a défendus dans quelques-unes de ses meilleures pièces.

Au lycée, Anouilh va recevoir une note de 1 sur 20 pour une rédaction (comme on disait alors) sur Racine, avec ce commentaire : « Devoir qui marque une absence totale de mesure, de goût et de tact et beaucoup d’ignorance. Plaisanteries naïves, puériles et déplacées. » C’est que très tôt Anouilh fait en quelque sorte entrer le théâtre dans le théâtre (on pense au Dîner de têtes, Colombe, La Répétition ou l’amour puni, L’Alouette, La Grotte, Ne réveillez pas Madame, La Belle vie, Cher Antoine etc.), et cette subversion des codes habituels du théâtre peut en effet être prise pour un jeu naïf et puéril. Mais cette approche est en fait d’une grande subtilité et crée chez le spectateur une jouissance très particulière. La marque propre d’Anouilh, c’est de confondre le théâtre et la vie, nous explique Jacqueline Blancart-Cassou, et ceci dans des jeux de scènes véritablement géniaux, en tout cas souvent très novateurs.

On a honte pour Louis Jouvet, quand on apprend qu’il avait trouvé amusant Le Bal des voleurs, mais qu’il considérait que la pièce aurait dû être réécrite par Sacha Guitry ! Bien évidemment Guitry, c’est de l’excellent théâtre. Mais on est en droit de penser qu’Anouilh lui est encore supérieur, si tant est que la comparaison entre les deux hommes ait du sens. Aujourd’hui, trente-quatre de ses pièces ont été rééditées dans la Bibliothèque de la Pléiade, reconnaissance, en quelque sorte, de leur appartenance au patrimoine classique.

Mais en fait, très tôt Pierre Fresnay et les Pitoëff surent identifier son talent. Et le public aussi. Dès 1931 et sa pièce Hermine, puis en 1933 avec Le Bal des voleurs, celui qu’on prend d’abord pour un boulevardier va connaître le succès. Un succès qui ne se démentira plus jamais.

Anouilh a été joué et continue à être joué par les plus grands acteurs : Fresnay et les Pitoëff, on l’a vu, mais aussi Yvonne Printemps, Suzanne Flon, Michel Bouquet, Danièle Delorme, Yves Robert, Jacques Dufilho, Jean-Louis Barrault, Madeleine Renault, Simone Valère, Jean Desailly, Pierre Brasseur, Jacqueline Maillan, Louis de Funès, Pierre Mondy, Bruno Cremer, Paul Meurisse, Henri Virlogeux, Jean Le Poulain, François Périer, Sophie Daumier, Françoise Rosay, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru, Michael Lonsdale, Daniel Gélin, Christian Marin, Sabine Azéma, Bernard Blier, Guy Tréjean, Jacques Fabbri, Sophie Marceau, Lambert Wilson… pour ne citer que les plus connus !

La rapide étude de chez Pardès donne vraiment envie de lire ou relire ses pièces roses, noires, brillantes, grinçantes, baroques, secrètes ou farceuses, mais surtout de les voir à la scène. Car la qualité du théâtre ne se révèle vraiment que lorsqu’il est joué. Lire L’Alouette ou Antigone (d’après Sophocle, bien entendu), c’est bien, les voir au théâtre, c’est la garantie d’une émotion fulgurante.

Quant à Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes, pièce écrite en 1956 et trop rarement jouée, c’est une pièce extraordinairement politique, qui fait d’Anouilh notre Sartre à nous, avec le génie en plus.

Si Anouilh est à l’affiche quelque part, courez-y. C’est le seul conseil que l’on puisse vous donner. Et pour faire votre choix, référez-vous, si nécessaire, aux commentaires et résumés de chacune de ses pièces majeures, tels que figurant à la fin de la biographie de J. Blancart-Cassou. Car c’est le grand mérite de ce livre : on meurt d’envie de retourner au théâtre et de voir ou revoir tout Anouilh !

• Anouilh, par Jacqueline Blancart-Cassou, Pardès, collection « Qui suis-je ? », 2014, 12 euros.

colombe

Colombe

Paris, milieu du xixe siècle. Julien (Grégori Baquet) part au service militaire et confie sa femme Colombe  à sa mère, qu’il déteste, la terrible Mme Alexandra, célèbre comédienne. Voilà alors Colombe plongée dans la vie d’un théâtre, et cette ravissante ingénue sera très vite courtisée… Colombe est une comédie dramatique et romantique qui propose un certain regard sur le monde du spectacle, entre fascination et illusion.

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