« C’est quoi la République ? Au temps des rois et des reines le pouvoir se transmettait de père en fils. Depuis la Révolution française, la France est une République. Cela veut dire que les Français votent pour choisir ceux qui les dirigent. Nous en sommes déjà à la cinquième République. »
C’est ainsi qu’est expliquée la République aux 6-10 ans sur le site du gouvernement, parce que, c’est bien connu, les 6-10 ans vont régulièrement consulter le site du gouvernement ! On croirait presque lire un extrait de La Foire aux cancres du regretté Jean-Charles, l’humour, le talent en moins, le révisionnisme en plus.
Passons sur l’inepte « Au temps des rois et des reines » qui, dans l’inconscient, devaient être forcément méchants… surtout les reines, si on se réfère à l’univers disneylandien auquel notre jeunesse est familière. Le plus gros est, bien évidemment, l’ellipse des 65 ans de monarchie de 1789 à 1792, de 1804 à 1848 et de 1852 à 1870. Et pourtant, il me semblait que les enfants apprenaient encore à l’école (plus pour longtemps, j’imagine) la chanson « Lundi matin, l’empereur, sa femme et le petit prince ». Vous me direz que 65 années sur 226, c’est un peu un détail de l’Histoire ; il faut savoir aller à l’essentiel. L’essentiel, c’est pourtant la vérité, la vérité historique que l’on ne peut appréhender qu’à travers un apprentissage de la chronologie, sous réserve bien entendu que cette chronologie ne soit pas tronquée ou révisée, révisionnée même, pour employer un néologisme à dessein.
Mais revenons au texte : « Cela veut dire que les Français votent pour choisir ceux qui les dirigent. » Mais quand va-t-on mettre fin à ce truisme stupide qui veut que république signifie démocratie, ne serait-ce que par amitié et courtoisie envers la petite dizaine de monarchies européennes dont plus de la moitié appartiennent aujourd’hui à l’Union ? En Grande-Bretagne, la monarchie ne se porte pas trop mal, et la démocratie aussi, par la même occasion, me semble-t-il. En revanche, Venise était une république aristocratique et pas du tout démocratique. Il ne s’agit pas de faire un cours sur les régimes politiques à nos chères têtes blondes ou pas blondes, mais tout de même…
Poursuivons l’analyse de ce brillant, moderne et infantile De Republica. Là où j’imagine la perplexité de nos 6-10 ans (et au-delà, compte tenu du niveau d’enseignement de l’Histoire dans nos écoles), c’est lorsqu’ils lisent « Nous en sommes déjà à la cinquième République » alors qu’une ligne plus haut, on leur a dit que nous étions en République depuis la Révolution. Prenons l’hypothèse optimiste qu’un 6-10 ans – hypothèse dont la probabilité est, sans doute, proche de celle de rencontrer dans sa montée d’escalier une chauve-souris enragée – soit allé sur le site gouvernemental. Le soir venu, à l’heure où la marmite ronronne et la télé glapit, en faisant ses devoirs – interdits par l’Éducation nationale -, le petit va donc interroger sa maman sur ce sujet compliqué.
Si la maman n’a pas zappé la chronologie des trois derniers siècles, il va bien falloir qu’elle lui dise la vérité, au petit. Après lui avoir fait réviser ses devoirs, elle pourrait lui faire revisiter notre histoire, qui mérite mieux que des résumés puérils et tronqués.
