Version mobile des salles de shoot bientôt expérimentées en France, le camion de shoot pourrait circuler à la rencontre des toxicomanes de Bordeaux, en appui à la salle de consommation que la municipalité veut mettre en place. Parmi les villes candidates à l’expérimentation des salles de shoot, Bordeaux, forte d’expertise et de dispositifs associatifs pour l’accompagnement des toxicomanes, montre déjà une singularité dans l’élaboration de sa future salle de consommation. Elle pourrait ajouter à cette structure fixe, dans un local de la Ville, un service mobile avec un camion qui, «équipé de deux ou trois postes d’injection», irait à la rencontre des personnes dépendantes, à la manière des maraudes.
Le projet est tout cas prêt depuis longtemps, ayant vocation à exister de manière autonome bien avant que naisse l’idée des salles de shoot. «Nous avions songé à cette solution mobile, comme le font d’ailleurs Berlin, Copenhague et Barcelone, pour faciliter la démarche des dépendants les plus isolés, jamais en contact avec le soin», explique le Dr Jean-Michel Delile, psychiatre, directeur du Comité d’Étude et d’Information sur la Drogue et les addictions (CEID) de Bordeaux et vice-président de Fédération Addiction. Cette dernière fédère toutes les associations luttant contre les addictions sur le plan national et œuvre depuis la première heure à l’établissement des salles de shoot. «Aujourd’hui, au regard de notre expérience terrain, l’ARS Aquitaine nous a invités à monter le projet d’une salle, explique le Dr Delile. On peut très bien imaginer lui adjoindre cette solution mobile du camion, à mon sens complémentaire. On est sur les starting-blocks!».
La mobilité de ce camion de shoot apparaît à l’équipe bordelaise comme une solution offrant «plus de souplesse», plus adaptée aussi à ces populations marginalisées qui «sont elles-mêmes mobiles», «aux besoins locaux» qui ont toujours des particularismes, et «moins effrayante» pour les toxicomanes comme pour les riverains. Selon le médecin, c’est une formule «plus acceptable» pour les premiers, qui évitent ainsi le regard et la stigmatisation des autres mais aussi la contrainte physique et psychologique de se rendre dans un lieu institutionnalisé. Pour les seconds aussi car un espace mobile «n’apporterait pas les toxicos sous leurs fenêtres», explique le Dr Delile. «Une salle attire nécessairement le monde des injecteurs et peut donc engendrer des scènes pénibles ou violentes pour les habitants du quartier», précise-t-il.