S’il est un fait indubitable que la très décriée profession journalistique a intégré depuis au moins Théophraste Renaudot, c’est bien celui-ci : seuls les trains qui déraillent intéressent le lecteur, tandis que l’indifférence générale prévaut pour ceux qui arrivent à l’heure. Autrefois, on exécutait les messagers porteurs de mauvaises nouvelles ; aujourd’hui, ce sont elles qui font vendre.
Il en est, pourtant, de bonnes qui devraient redonner du baume au cœur de l’homme de bien. Rares, elles n’en sont que plus précieuses. Il était donc une fois un petit bourg du Cantal dont personne n’avait jamais entendu parler : Parlan.
Comme tant d’autres villages de nos chères cambrousses, Parlan s’en allait doucement ; et même pas de sa belle mort. Les vieux y rendaient l’âme – pas le choix – et les jeunes s’en allaient ; pas le choix non plus. Pourtant, il y a maintenant huit ans, Michel Teyssedou, maire sans étiquette, aussi teigneux qu’opiniâtre, a tenté le tout pour le tout, histoire de sauver ce qui pouvait l’être encore, en cédant gratuitement tous les terrains municipaux disponibles. L’occasion rêvée, pour les plus désargentés de nos compatriotes, de se mettre au vert. En 2019, Parlan avait quasiment doublé sa population ; comme quoi, en politique, le volontarisme peut donc payer. Certains seraient bien inspirés d’en prendre de la graine.
Ainsi, le site de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes vient-il récemment de consacrer quelques jolies pages à la tout aussi jolie Audrey Marty. Laquelle, « une fois installée, décide en retour de s’investir dans cette commune en créant son salon de coiffure. En 2015, on l’accompagne une nouvelle fois dans son projet en lui trouvant un local en location. » Élodie Lacam-Lesvaux, autre dame tout aussi charmante, qui vient de créer sa petite entreprise à Parlan, confesse : « Depuis notre installation ici, nous avons vu le nombre de logements et de commerces augmenter. La ville est de plus en plus dynamique. »
De son côté, l’infatigable Michel Teyssedou se félicite : « Grâce aux familles qui se sont installées et à leurs enfants, nous avons réussi à récupérer le poste d’enseignant que nous avions perdu. »Mais si les jeunes reviennent, encore faut-il les occuper. Et là, contrairement à une vilaine coutume consistant le plus souvent à bayer aux corneilles en attendant les subventions d’on ne sait trop quelles lointaines instances bureaucratiques, les Palarnais, de 7 à 77 ans, se sont retroussés les manches pour construire une salle des fêtes de près de 400 m2.
Michel Teyssedou, encore, et interrogé par La Montagne, cette fois : « Chez nous, il existe une fierté locale, fruit d’un enracinement profond, capable de surmonter les difficultés. » Le chantier a duré deux ans, soit 786 journées de rude labeur, et le seul intervenant extérieur fut cette société spécialisée dans l’installation de charpentes. Malgré le dévouement et toute la bonne volonté du monde, il demeure malgré tout des choses que l’on doit confier aux professionnels. Bien évidemment, le maître menuisier était un artisan de la région.
Aujourd’hui, en plus du salon de coiffure, une charcuterie, un bar-restaurant-épicerie ont ouvert leurs portes. Et, surtout, une boulangerie. Là, ça n’a pas été chose facile. Car les banques, toutes occupées qu’elles sont depuis des années à jouer au casino financier, n’avaient pas d’argent à prêter. Qu’importe ! En effet, l’un des plus beaux gosses du coin n’était autre qu’un certain Clément Chabernaud, distingué « mannequin de la décennie » par le très snob mensuel GQ, dont le sang n’a fait qu’un tour en apprenant l’affaire. La Montagne raconte : « Quand il a su que son village de cœur risquait d’être privé de sa boulangerie, Clément Chabernaud a joué le rôle des banques en rachetant les murs de la boulangerie pour les louer à Nicolas et Jessica. » Et Michel Teyssedou, le premier des Parlanais, de conclure :« Ce n’est pas un acte de profit, mais un vrai sentiment d’appartenance locale. » Si seulement la France était gérée comme Parlan…
C’était la belle histoire du jour.