De l’accent, de l’accent…?
Mais après tout, en ai-je?
Pourquoi cette faveur, pourquoi ce privilège?
Et si je vous disais à mon tour, gens du Nord,
Que c’est vous qui pour nous semblez l’avoir très fort
Que nous disons de vous du Rhône à la Gironde
“Ces gens-là n’ont pas le parler de tout le monde
C’est que tout dépendant de la façon de voir
Ne pas avoir d’accent pour nous c’est en avoir.
Eh bien non, je blasphème, et je suis las de feindre
Ceux qui n’ont pas d’accent je ne peux que les plaindre
Emporter avec soi son accent familier
C’est emporter un peu sa terre à ses souliers
Emporter son accent d’Auvergne ou de Bretagne
C’est emporter un peu sa lande ou sa montagne.
Lorsque loin de chez soi le coeur gros on s’enfuit
L’accent, mais c’est un peu le pays qui vous suit.
C’est un peu cet accent invisible bagage
Le parler de chez soi qu’on emporte en voyage
C’est pour le malheureux à l’exil obligé
Le patois qui déteint sur les mots étrangers
Avoir l’accent enfin c’est chaque fois qu’on cause
Parler de son pays en parlant d’autre chose.
Non je ne rougis pas de mon si bel accent
Je veux qu’il soit sonore et clair, retentissant
Et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille
Emportant mon accent sur le coin de l’oreille
Mon accent, il faudrait l’écouter à genoux
Il vous fait emporter la Provence avec vous
Et fait chanter sa voix dans tous nos bavardages
Comme chante la mer au fond des coquillages
Écoutez! En parlant je plante le décor
Du torride midi dans les brumes du nord
Il évoque à la fois le feuillage bleu-gris
De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris
Et le petit village à la treille splendide
Éclabousse de bleu la blancheur des bastides.
Cet accent-là, mistral, cigale et tambourin
A toutes mes chansons donne un même refrain
Et quand vous l’entendez chanter dans mes paroles
Tous les mots que je dis dansent la farandole.