Le fric d’Olivier Fric…

Pour s’être mêlé des affaires d’Areva – alors présidé par son épouse, Anne Lauvergeon – et du dossier Uramin, Olivier Fric est dans le collimateur de la justice. (…) Olivier Fric – c’est son nom – est suspecté de recel et blanchiment de délit d’initié. Les juges lui reprochent d’avoir acheté à très bon compte un gros paquet d’actions de cette start-up minière en 2007,  juste avant que le groupe de sa femme ne l’acquière.

En parcourant ses méandres au fil de leurs recherches et de leurs perquisitions, les enquêteurs sont allés de surprise en surprise. Au-delà des délits présumés qui émaillent le rachat d’Uramin et ses 3 milliards d’euros engloutis en pure perte dans l’aventure (escroquerie, abus de biens sociaux, corruption d’agent public étranger, faux et usage de faux, etc.), c’est un incroyable mode de management personnel qui a affleuré. Celui d’«Atomic Anne».

Comment cette pédégère à poigne, classée quatre années de suite parmi les dix femmes les plus puissantes de la planète par le magazine américain «Forbes», a-t-elle pu laisser son mari intervenir à de nombreuses reprises dans les affaires d’Areva ? Pourquoi a-t-elle fermé les yeux lorsqu’il prodiguait des conseils auprès de cadres dirigeants, vantait les mérites d’un candidat à l’embauche, et jouait carrément les intermédiaires lors d’acquisitions ou de partenariats, en Californie ou en Namibie ?

C’est en tout cas du jamais-vu à l’échelle d’une société de la taille d’Areva, qui plus est détenue à 87% par l’Etat. Au point que, en 2011, le général Jean-Michel Chéreau, directeur de la protection du groupe, et Sébastien de Montessus, patron de la division mines, n’ont pas hésité a recruter, à l’insu de la présidente, le détective genevois Mario Brero afin d’espionner son mari en Suisse. Il reviendra d’ailleurs bredouille…

Le très discret époux, consultant indépendant à Lausanne, est en effet insaisissable, pour ne pas dire effacé.

(…) Mais cet Essec passé par le Crédit lyonnais n’est pas homme à se tourner les pouces. Un an plus tard, avec son associé Franck Hanse (ex-trader d’Elf à Genève), il crée à Lausanne une société d’investissements dans le gaz et le pétrole spécialisée sur les pays émergents. C’est cette structure, baptisée Vigici SA, qui fera l’acquisition en 2007 des fameuses actions Uramin.

«EN AUCUN CAS nous n’avons bénéficié d’une information privilégiée, nous confie Olivier Fric, flanqué de son avocat, Mario Pierre Stasi. Mon associé faisait régulièrement des opérations de gestion de trésorerie, et il se trouve que les cours des matières premières, et notamment de l’uranium, étaient alors florissants. Uramin, dont les actions flambaient à la Bourse de Toronto, était une société bien connue du marché.»

En somme, à l’en croire, Anne Lauvergeon n’aurait jamais évoqué sur l’oreiller son projet d’OPA à 2,5 milliards de dollars. En tout cas, une chose est sûre, Olivier Fric ne s’est pas toujours tenu à l’écart des affaires du groupe nucléaire, comme en témoignent de nombreux mails saisis lors des perquisitions.

D’abord, c’est bien à lui que Daniel Wouters, homme clé de l’affaire Uramin, doit son embauche chez Areva comme responsable du développement et des acquisitions mines, en 2006. Ancien de la banque Belgolaise, un établissement sulfureux spécialisé dans les matières premières en Afrique, qui avait été mis en liquidation, ce Belge cherchait un nouveau job. «J’ai envoyé mon CV à Olivier Fric, que je connaissais», nous déclarait-il en 2012. «Faux ! C’est un tiers qui me l’a adressé, rectifie aujourd’hui Olivier Fric. Son profil correspondant au poste recherché, j’ai transmis sa candidature, mais je n’ai fait sa connaissance qu’un an après son embauche chez Areva.» Quoi qu’il en soit, les deux hommes ont vite trouvé des affinités, y compris dans les affaires, comme en témoignent plusieurs mails échangés en 2008.

«On s’est retrouvés ensemble lors d’un séminaire de cadres d’Areva à Sun City, en Afrique du Sud», précise Olivier Fric. De fait, une ou deux fois par an, les principaux cadres du groupe joignaient l’utile à l’agréable en partant avec leurs conjoints dans des endroits de rêve. «A Rio de Janeiro, Anne Lauvergeon était venue en famille, se souvient l’amiral Thierry d’Arbonneau, ancien directeur de la protection et de l’intelligence économique d’Areva, mais Olivier Fric était plutôt en retrait et s’occupait des enfants.»

(…) Deux ans plus tard, Olivier Fric va s’impliquer de façon bien plus concrète dans le dossier Uramin. Areva, qui croit encore pouvoir exploiter les gisements d’uranium que cette société possède dans le désert namibien (cela se révélera économiquement impossible), décide d’investir plusieurs centaines de millions d’euros dans l’affaire. Et en particulier de construire à grands frais une usine de dessalement d’eau de mer.

C’est United Africa Group (UAG), un groupe diversifié notamment dans la promotion immobilière et l’hôtellerie, et fondé par un couple de Namibiens proches du pouvoir, qui est chargé par Areva de coordonner ce projet. Pourquoi pas ?

Mais curieusement, dans un mail du 22 septembre 2008, l’assistante d’Haddis Tilahun, le patron d’UAG, informe Daniel Wouters que sa société a nommé un certain Patrick Gidon conseiller pour le projet de dessalement. Or cet aventurier du business tropical est un ami d’Olivier Fric, qui va d’ailleurs l’assister dans cette mission.

Aujourd’hui, les juges cherchent à comprendre pourquoi Areva a versé 3,4 millions de dollars à UAG via un virement signé le 18 janvier 2010 par Daniel Wouters et Sébastien de Montessus. Nul doute qu’ils finiront par poser un jour la question à Anne Lauvergeon et à son époux.

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