Pierre Schoendoerffer, romancier, cinéaste et documentariste, est décédé mercredi 14 mars 2012 des suites d’une opération chirurgicale à l’hôpital militaire de Percy, à Clamart. Il avait 83 ans.
Tout jeune, c’est un grand lecteur qui se passionne notamment pour Joseph Kessel. Tenté par la vie de marin, il souhaite également devenir cinéaste. Après avoir appris l’existence des services cinématographiques de l’armée, il effectue un stage au Fort d’Ivry et part en Indochine en 1952. Il y devient caporal-chef à 25 ans, se passionne pour la civilisation du Cambodge et filme la mort et la souffrance de ces compagnons d’arme. Commence déjà à se forger l’âme de celui qui va devenir un grand témoin de son siècle. Fait prisonnier à l’issue de la bataille de Diên Biên Phu, il connaît l’atrocité des camps du Viêt Minh et en doit la survie qu’à l’intervention du cinéaste soviétique Roman Karmen, qui reconstituait alors la bataille pour le compte de la propagande de l’URSS. Il perd cependant toutes les pellicules qu’il avait filmées durant le conflit, pertes sans doute aussi éprouvantes pour lui que sa captivité et qui décideront définitivement de son orientation vers le documentaire. De retour en France, il est confronté, comme bien d’autres, à l’opprobre et au mépris de la gauche anti-colonialiste bien pensante et notamment des traîtres communistes. C’est peu après sa libération qu’il rencontre, à Hong-Kong, son idole Joseph Kessel. Journaliste au Maroc et couvrant la guerre d’Algérie, il parviendra, grâce à l’aide de l’auteur de L’Armée des ombres, à réaliser, en 1958, un film tiré d’un de ses propres livres La Passe du diable, documentaire sur le jeu de bouzkachi en Afghanistan. La même année, il rencontre le producteur Georges de Beauregard qui lui permettra de réaliser ses premiers long-métrages de fiction : Ramuntcho et Pêcheur d’Islande en 1959. Mais sa première œuvre vraiment personnelle verra le jour en 1965 : La 317e section, adaptée de son propre livre homonyme, connaît des conditions de tournage très pénible dans la jungle cambodgienne et se révèle un témoignage sans fard et d’une grande justesse sur la vie et l’action du corps français expéditionnaire en Indochine. Bruno Cremer et Jacques Perrin, alors en début de carrière, y sont époustouflants. Ce film quasi-documentaire, jamais égalé, obtint le prix du scénario au Festival de Cannes de 1965. En 1967, il retourne au documentaire avec La Section Anderson, tourné au Vietnam avec l’armée américaine et qui devait notamment inspirer Oliver Stone pour Platoon. Le film obtiendra l’Oscar du meilleur documentaire en 1968. En 1977, il sort son chef-d’œuvre, Le Crabe-tambour, également adapté de son propre livre homonyme, récit de la vie du lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume, qui avait reçu le grand prix du roman de l’Académie française. Là encore, des conditions de tournage spartiates, sept semaines sur un navire de guerre dans l’Atlantique nord en plein hiver. Le film est acclamé par la critique et reçoit trois Césars (meilleur acteur, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur photographie) et deux nominations (meilleur film et meilleur réalisateur) en 1978. Schoendoerffer n’en a cependant pas fini avec la guerre puisqu’en 1982, il sort L’Honneur d’un capitaine avec encore le fidèle Jacques Perrin dans le rôle principal. Ce récit des souvenirs d’un officier français tué au front en Algérie et dont la veuve est confrontée vingt ans plus tard à la calomnie, restitue admirablement le quotidien des engagés de ce conflit et remet à leur place un certain nombre de salisseurs de mémoires. En 1992, parait Diên Biên Phu, qui revient encore, de manière plus directe, sur le conflit indochinois et notamment la fameuse bataille du titre qui avait vu la capture de Schoendoerffer près de quarante ans plus tôt. Mais même les géants doivent un jour livrer leurs derniers faits d’armes. En 2003, parait son dernier roman, L’Aile du papillon, et en 2004, son dernier film, Là-haut, un roi au-dessus des nuages, encore adapté d’un de ses romans, et toujours avec Jacques Perrin et Bruno Cremer. Toujours fidèle en amitié et attaché à l’armée, il continuait d’honorer de sa présence les cérémonies de commémoration concernant le conflit indochinois et, en 2007, il se rendit en Afghanistan à l’invitation du 1er régiment de chasseur parachutiste (1er RCP) dont il est soldat 1ère classe d’honneur.
Ainsi disparaît non seulement un des plus grands cinéastes de son siècle qui aura inspiré Francis Ford Coppola, John Milius, Oliver Stone et Florent Emilio Siri, mais aussi un grand patriote et un homme d’honneur comme il en reste malheureusement bien peu actuellement.
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