En quittant Vichy pour Lyon puis Paris au début de ce siècle, alors qu’il n’avait pas vingt ans, Albert Londres voulait être poète. Il le restera toute sa vie, à sa manière. Après avoir fait ses classes comme échotier parlementaire, il signa son premier article en 1914. Ce fut le coup d’envoi d’une carrière exemplaire qui lui fit parcourir le monde en long, en large et surtout en travers.
La Grande Guerre sur tous ses fronts stratégiques et la conquête de Fiume par d’Annunzio, la Révolution russe et le Tour de France cycliste, la République chinoise en folie et le scandale du bagne de Cayenne, les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord et la condition des aliénés dans les asiles de France, Marseille la nouvelle Babel et l’évasion du forçat Dieudonné, la traite des noirs en Afrique et la traite des blanches en Argentine, les pêcheurs de perles de Djibouti et les terroristes dans les Balkans…
Pendant dix-huit ans, Albert Londres n’a pas soufflé. Il ne posait sa valise que pour voir sa fille et ses parents, à Paris et à Vichy, ses escales préférées. Jusqu’au dernier voyage qui le mena en Chine en 1932 pour une enquête explosive (contrebande d’armes ? trafic de drogue ?…) dont il ne révéla rien à personne. Il a emporté son secret avec lui, sur la route du retour, en périssant lors de l’incendie du paquebot George Philippar, Albert Londres ayant été aussi parallèlement, à sa manière, “un agent de renseignements”. Son épopée est celle des chefs d’Etats et des parias, des révolutionnaires et des généraux, des rois déchus et des trafiquants.