Said Kouachi avait 34 ans, Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi avaient 32 ans. Tous les trois étaient français, ils étaient nés et avaient grandi avec nous, on aurait pu partager les mêmes classes et les mêmes écoles. Dans les jours qui suivirent les attentats meurtriers qu’ils ont perpétrés, de nombreux médias rapportèrent les témoignages d‘enseignants effondrés face à des élèves ne souhaitant pas se recueillir «pour des gens comme ça» qui «l’avaient bien mérité». Ces enfants sont peut-être les camarades des nôtres.
Au-delà de l’immense élan d’unité nationale et internationale qu’il a déclenché, le «7-Janvier» révèle une réalité que l’on souhaiterait occulter mais que nous avons le devoir d’affronter. Cette semaine sanglante acte le décès de notre modèle d’intégration lentement mais sûrement détricoté depuis plus de 30 ans. L’espace d’une génération. La nôtre.
Cette semaine sanglante acte le décès de notre modèle d’intégration lentement mais sûrement détricoté depuis plus de 30 ans. L’espace d’une génération. La nôtre.
Nous sommes trentenaires, nous avons grandi dans une France où le patriotisme était devenu un gros mot. On pouvait être fier d’être citoyen du monde, à la rigueur d’être européen mais plus difficilement d’être français. Conséquence logique, nous avons de plus en plus souvent entendu siffler la Marseillaise dans les stades et de moins en moins souvent vu le drapeau français être agité les soirs d’élections… Ce renoncement à notre identité nationale et républicaine a laissé nombre d’entre nous livrés à eux-mêmes, à la recherche d’un cadre, d’une morale, d’une communauté de substitution. Pour le meilleur ou pour le pire? Et ce fut le pire.
C’est pourquoi nous avons aujourd’hui le devoir de donner corps à cet élan historique d’unité nationale qui a répondu à ces attaques pour réarmer moralement la République! Car si notre arsenal pénal et policier doit être renforcé pour mener cette guerre contre la barbarie, ce sursaut doit avant tout se faire dans les esprits et par l’éducation. Il va nous falloir pour cela restaurer ce que nous avons abandonné voire brocardé depuis si longtemps, à commencer par notre identité et nos valeurs nationales et républicaines.
Il va nous falloir pour cela restaurer ce que nous avons abandonné voire brocardé depuis si longtemps, à commencer par notre identité et nos valeurs nationales et républicaines.
Depuis Ernest Renan, nous répondons à la question «qu’est-ce qu’une nation?» ou si on préfère «qu’est ce qu’être français?» par l’idée que «l’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion», qu’une «grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation». En d’autres termes, est français celui qui aime la France, son histoire, son héritage, celui qui adhère à ses valeurs: la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et les droits de l’Homme mais aussi l’ordre républicain.
Une fois avoir défini ce que signifie être français, il faut savoir comment «refaire nation» et faire émerger un nouveau patriotisme. Parce que la citoyenneté est un apprentissage, parce que l’éducation civique est depuis trop longtemps le parent pauvre des programmes et des rythmes scolaires, il faut d’abord lui redonner sa place et ses lettres de noblesse tout au long de la scolarité de nos enfants, y compris en tant qu’épreuve du brevet et du baccalauréat.
Il manque aujourd’hui un creuset national et républicain, un rite de passage où le citoyen prend autant conscience de ses devoirs que de ses droits et affirme clairement son appartenance à la nation française.
Mais si l’éducation est un préalable, un acte symbolisant une rupture et une prise de conscience est indispensable. Il manque aujourd’hui un creuset national et républicain, un rite de passage où le citoyen prend autant conscience de ses devoirs que de ses droits et affirme clairement son appartenance à la nation française. Cet acte fort ne peut être que la mise en place d’un nouveau service national obligatoire à travers lequel chaque française et chaque français entre 18 et 21 ans devra consacrer trois mois à son pays sous peine de perdre ses droits civiques et sociaux. Ce n’est pas un hasard si le service national est né la même année que la loi de 1905 sur la laïcité: ils font partie de notre ADN républicain. Sa suspension en 1997 précisait qu’il serait «rétabli à tout moment par la loi dès que les conditions de la défense de la Nation l’exigent»: aujourd’hui, elle l’exige. Arrêtons de faire semblant avec l’actuelle «Journée Défense et Citoyenneté», le service civil et le volontariat, osons redonner à notre armée les moyens de transmettre l’amour de la patrie, les notions d’autorité, de discipline et d’effort. Chaque jeune remis dans le «droit chemin», stoppé dans sa dérive parce que sorti pour la première fois de son quartier sera alors une victoire pour la République. Et puisque ce sursaut doit venir du plus profond de chacun d’entre nous, soumettons cette question par referendum afin de prolonger l’esprit du «11-Janvier»!
Ce programme de réarmement moral de notre pays aura naturellement un coût financier mais bien inférieur à celui des innombrables politiques d’intégration ou d’emploi des jeunes qui échouent depuis des années, et insignifiant face au coût du communautarisme, de l’individualisme forcené et de la désintégration sociale. Prenons garde aux avertissements de l’Histoire, ils ne se répètent pas: passons sans tarder de «nous sommes Charlie» à «nous sommes Français».