Guérilla Kit, ruses et techniques des nouvelles luttes anticapitalistes!

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Techniques de contestation, méthodes de désobéissance, stratagèmes de subversion… Comment perturber une assemblée générale d’actionnaires, empêcher l’expulsion d’un sans-papiers, bloquer une route, organiser un”vomit-in”, etc.

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Une nouvelle radicalité émerge et réinvente les formes et les techniques de la contestation politique, ruses et ‘imagination pour lutter contre toutes les  formes d’oppression contemporaine.

Au début des années 2000, une frange non négligeable de la gauche de la gauche fait sa mue altermondialiste. Dans le sillage des écrits de Pierre Bourdieu, de Toni Negri ou d’Hakim Bey, ses militants redécouvrent les vertus de l’internationalisme contre une mondialisation financière jugée à la fois politiquement liberticide et socialement inégalitaire.

Portés par les mouvements populaires et anticapitalistes qui se développent un peu partout en Europe et en Amérique, par le succès des manifestations anti-OMC ou anti-G8, ils vivent alors une sorte d’euphorie idéologique collective dont témoigne le livre de Morjane Baba Guérilla kit, paru une première fois en 2003.

Guérilla kit se présente comme un manuel, ou plus exactement comme un retour d’expériences sur les nouvelles pratiques militantes issues d’une gauche qui se veut sur tous les fronts de la radicalité : féminisme, anticapitalisme, antispécisme, lutte anti-ogm, soutien aux sans papiers, etc. Objet mixte, on peut toutefois séparer, le temps de l’analyse, ses prétentions idéologiques de ses conseils tactiques.

Mutualiser les luttes

Idéologiquement, l’ouvrage ne prétend rien inventer. Il se contente de rassembler en un même volume les thèmes et les thèses communs à la gauche radicale, qu’il s’agit dans son esprit de mutualiser pour faire pièce au « nouvel ordre mondial ». Mutualiser ou faire converger « les luttes » signifie ici retrouver ce qui unit ces mouvements de révolte « spontanés » pour tenter de les présenter de manière pédagogique aux populations concernées. Le propos n’est pas de convaincre ici, mais de mettre à disposition des outils pratiques pour les convaincus. Cela conduit l’auteur à négliger la justification des principes au profit d’une sorte de rhétorique romantique qui tient lieu de fil directeur entre toutes les parties du livre. Les plus sceptiques – ou cyniques, c’est selon- s’amuseront par exemple des envolées lyriques sur les mouvements sociaux de 1995 contre la réforme Juppé (« Paris n’est plus qu’un immense embouteillage est pourtant tout le monde à le sourire ») ou sur le mouvement brésilien des sans terre (« Ils disent ce que signifie la conquête d’une terre, le retour à la vie, le retour à la dignité. Ils se lavent dans l’eau, ils s’ancrent dans la terre, ils renaissent littéralement. »).

Unknown-10Sensibiliser les populations

Sur le plan tactique, le livre est plus précis, et intéressera au-delà du cénacle altermondialiste. Il décrit les stratagèmes et techniques spectaculaires employés par les militants pour sensibiliser la population ou mettre en défaut leurs adversaires. On relève pêle-mêle des conseils pour perturber une réunion d’actionnaires, créer un syndicat, fabriquer des marionnettes géantes pour les cortèges de manifestants ou encore défier les forces de l’ordre en dansant la samba. Ce répertoire militant par son côté éclectique, tout comme la rhétorique romantique qui enrobe les propos de l’auteur de Guérilla kit, pourraient uniquement prêter à sourire. Les deux nous rappellent toutefois une leçon politique qui aujourd’hui appartient au domaine public, à savoir que la communication tient la place centrale de notre débat public. En cela, Guérilla Kit aura sans doute une importance aux yeux des historiens de la gauche radicale en France qui se pencheront sur notre époque : le livre rend compte de son intégration au champ médiatique, et de l’abandon d’une certaine radicalité révolutionnaire, au nom même de la radicalité de sa critique.

Exister par et pour les médias

En effet, séduire par la communication revient à reconnaître le rôle central de l’opinion publique dans nos démocraties contemporaines, mais d’une opinion publique sidérée par l’outil médiatique et les relais d’informations. Si l’autorité de l’ordre politique et du système économique peut être touché au cœur plus sûrement par le spectacle de sa contestation que par l’action violente, alors c’est par souci d’efficacité que la gauche altermondialiste a choisi le répertoire publicitaire et festif contre celui de la lutte armée. Reste à déterminer si en modelant sa conduite en fonction de la demande médiatique, elle n’a pas abandonné la proie pour son ombre, et ne s’est pas condamnée à n’exister que comme opinion parmi toutes celles que les gouvernements ont à juguler pour exister.

Morjane Baba, Guérilla Kit, Paris, La découverte, 2003, 279 pages.

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