Brooklyn Village est un ancien quartier populaire de New-York. Comme le nom l’indique, il est situé dans le district de Brooklyn, vaste arrondissement constitutif de la grande ville, à l’extrémité occidentale de Long Island, de l’autre côté de l’East River par rapport à l’île originelle de Manhattan. Ce quartier est en voie de gentryfication, selon le terme employé par les sociologies américains qui observent le phénomène sur place. Des classes sociales plus aisées remplacent les classes populaires. Les prix désormais trop élevé des logements pour les classes aisées à Manhattan les à poussées à migrer à Brooklyn ; le phénomène a fait monter les prix aussi à Brooklyn, qui tout en demeurant inférieurs à ceux de Manhattan, sont devenus trop élevés pour les classes populaires, chassées de leur quartier.
Cette hausse de l’immobilier concerne tout autant les locaux d’habitation que commerciaux. Une petite boutique de vêtements est menacée par le changement de propriétaire du petit immeuble. Le fils et la fille du défunt, adultes et chargés de familles, après quelques semaines de patience décente, et le temps que les enfants sympathisent, ce qui posera problème, décideront de remonter le loyer de la boutique, afin de rejoindre, ou quasiment, les prix du marché. Or, la loueuse de la boutique ne peut pas payer un loyer triple du jour au lendemain. Il est intéressant de voir le droit américain et son application dans un cas pratique : si elle ne peut pas payer le nouveau montant, elle devra partir, et ce très vite. En France, ce serait plus long et complexe.
Ces membres de la classe moyenne partagent certainement sur les principes une bonne conscience progressiste commune, même si, et ce n’est vraiment pas plus mal, elle n’est pas développée dans les répliques. Pourtant, ils ne montreront nulle compassion effective lorsqu’il s’agira de leur strict intérêt. Le père de famille est artiste, acteur précisément, travaille ; mais ses interprétations de Tchékhov sur les scènes de New-York sont tous sauf une source de revenus importante et régulière, ce que l’on veut bien le croire. La classe moyenne ne vit pas si bien, doit régulièrement compter ses sous aussi. Ici, ses membres agiront durement. Ils considèrent, ce qui est probablement vrai aussi, qu’ils n’ont pas les moyens de faire de la philanthropie. Des familles qui auraient pu être amies deviennent adverses. L’hostilité se traduit par une rupture des relations, sans d’insultes ni violences physiques. Les adolescents des deux familles mûrissent : le monde est difficile, rude, ils sont bien forcément de l’apprendre, de dépasser leur déni sympathique et puéril initial. Il y a certainement une dimension de parabole dans Brooklyn Village, qui s’avère d’autant plus forte que s’exprimant dans le cadre d’un réalisme sobre parfaitement maîtrisé.