Ces 12 et 13 septembre, Emmanuel Macron est en visite en Andorre. L’occasion de s’intéresser à ce petit État souverain, niché dans les Pyrénées entre France et Espagne. Pour beaucoup de Français, Andorre serait une sorte de pays de Cocagne où les alcools les plus divers prendraient leur source et où ça rafalerait joyeusement à coups de cartouches de cigarettes dans les rues du Pas-de-la-Case. C’est sans doute un peu court et caricatural, mais c’est la rançon de la gloire d’un pays qui n’assomme pas le consommateur à coups de taxes. D’aucuns diront qu’Andorre en a fait un business. Mais lorsqu’on est un petit pays enclavé, sans grandes ressources, il est bien normal de vouloir faire feu de tout bois pour survivre et même se développer.
Tout comme la principauté du Liechtenstein, celle de Monaco ou encore la sérénissime république de Saint-Marin, la principauté d’Andorre est un défi à la standardisation, la normalisation, à l’uniformisation de notre monde, à cette manie de faire sauter les frontières, pourtant pourvoyeuses de tant d’emplois pérennes comme douaniers ou contrebandiers. Paradoxalement, d’ailleurs, ces confettis d’État semblent préserver plus facilement leur liberté que de grandes nations comme la France qui, elle, semble avoir jeté aux orties les vieux oripeaux de sa souveraineté millénaire. La faiblesse devient force, en quelque sorte, et pas besoin de l’arme nucléaire pour se protéger ! Du reste, durant la Seconde Guerre mondiale, Andorre, Monaco et le Liechtenstein ne préservèrent-elles pas leur neutralité ? Pour l’anecdote, signalons au passage cette curiosité historique peu connue : Andorre, qui avait déclaré la guerre à l’Allemagne en 1914 (mais n’envoya aucune troupe), reconnut seulement en 1958 la cessation de l’état de guerre avec les Teutons. En effet, la principauté n’avait pas été invitée à participer à la conférence de paix et, par conséquent, n’avait pas signé le traité de Versailles !
Autre curiosité, très actuelle : la principauté d’Andorre ne fait pas partie de l’Union européenne. Tout comme Monaco, le Liechentstein et le Saint-Marin. Ce dernier, d’ailleurs, organisa en 2013 un référendum pour savoir s’il fallait lancer une procédure d’adhésion à l’Union européenne. 50,28 % des votants dirent oui (avec un taux de participation de 43,38 %), mais comme cela ne représentait que 32 % des inscrits, le vote ne fut pas validé. Comme quoi on a parfois des leçons de démocratie à prendre de plus petit que soi !
Survivances médiévales, diront certains, que ces petites principautés qui réussirent à se faufiler sans trop d’encombres à travers les siècles, les traités internationaux et la menace du grand-tout. Parce qu’il s’agit bien de cela : une survivance féodale qu’il faut sans doute maintenir précieusement au même titre qu’il faut préserver la biodiversité. Si Emmanuel Macron peut se pavaner comme un infant de Castille dans les rues d’Andorre-la-Vieille en s’amusant ou se grisant peut-être des « Vive le prince ! » lancés par les enfants des écoles, c’est bien parce que le président de la République française est le successeur des rois de France, eux-mêmes héritiers des comtes de Foix.
Originalité que ce petit État, encore découpé administrativement en paroisses (sept au total). En France, l’Église catholique, qui a souvent le don d’enlaidir lorsqu’elle réforme, a inventé des « secteurs paroissiaux »…
Originalité, enfin, que ce petit pays où l’avortement est toujours illégal. Sur ce sujet, des femmes andorranes veulent faire entendre leur voix, rapportait RTL, jeudi soir : « Nous, on veut qu’Emmanuel Macron s’implique, donne son avis. Il a un pouvoir direct sur la loi en Andorre. »C’est vite dit ! Le rôle principal des coprinces, selon la Constitution, est d’être « garants de la permanence et de la continuité de l’Andorre ainsi que de son indépendance et du maintien du traditionnel esprit de parité et d’équilibre dans les relations avec les États voisins ». S’adressant aux élus andorrans, vendredi après-midi, le coprince français s’est d’ailleurs bien gardé d’aborder le sujet. L’autre coprince, l’évêque espagnol d’Urgell, Mgr Joan-Enric Vives i Sicília, lui, est très clair : en 2014, il déclara que si l’avortement était légalisé en Andorre, il abdiquerait.
Georges Michel – Boulevard Voltaire