« L’auréole d’un néoprotestantisme made in USA grandit d’année en année dans nos mœurs et banlieues », écrit Régis Debray, ancien révolutionnaire en peau de lapin, sorti de cette mauvaise passe et devenu brillant analyste de tous ces maux qui gangrènent la vieille Europe, après avoir flirté avec le Che – Guevara – et fait un bout de chemin avec le couple Klarsfeld. Ces lignes extraites de son dernier opus, Le nouveau pouvoir (1) illustrent parfaitement l’image de notre pays tombé aujourd’hui dans les griffes d’Emmanuel Macron, mais préparé à cela depuis des lustres par l’entremise de ces générations des young leaders de la French Américan Foundation qui, d’Alain Juppé à François Léotard en passant par Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, mais aussi Laurent Wauquiez ou Nicolas Dupont-Aignan, ont été formatés par Washington et ont donc, n’en déplaise au magister Alain Ménard, indirectement préparé le terrain pour notre nouveau guérisseur d’écrouelles lui-même, avec Edouard Philippe, adoubé par cette fondation.
Du catho-laïcisme au néoprotestantisme
A propos des Etats-Unis, on ne saurait oublier toute l’attention que, par l’intermédiaire de leurs ambassadeurs – surtout depuis Charles Rifkin, nommé par Obama –, ils portent aux banlieues de l’islam et à la foultitude d’associations communautaristes directement aidées par Washington qui n’hésite pas à financer de coûteux voyages à l’intention de ceux qui pourront, à leur retour au bercail, installer un modèle à l’américaine, éducation populaire, religion évangélique et musique compris. Il n’est que de voir dans nos villes les grappes de diffuseurs de la Bible et la multiplication des églises évangéliques à destination des populations africaines ou caribéennes pour prendre conscience du phénomène analysé par Régis Debray. « Nous étions, en France, catho-laïcs. Pouvons-nous, demain, devenir néoprotestants et troquer la virtù contre la vertu ? […] La question touche au plus profond : un pays de souche catholique, avec cent prêtres ordonnés par an et seulement cinq mille en activité, soit dix fois moins qu’il y a cent ans, peut-il non seulement effacer la triste révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV mais encore emboîter le pas à des parpaillots refaits à neuf ? » Pour Debray, la réponse est oui et il parle du « génie du néoprotestantisme » affirmant que ce serait une bonne chose que notre vieux pays bénéficie d’une « vague théo-populiste qui couvre de l’Amérique latine à l’Afrique subsaharienne, de l’Asie centrale à l’Extrême-Orient ». Si fausse et contestable que soit sa réponse à la question qu’il pose, son constat est imparable : nos églises sont vides et les vocations chutent.
Je ne parle pas, bien sûr, de ces paroisses qui respectent la tradition, conservent le mystère de la célébration de la messe et dont les prêtres n’ont pas défiguré leurs églises en leur enlevant leur caractère sacré à force de concessions au modernisme. Je parle de ce catholicisme pasteurisé par Vatican II et sous le charme du pape François qui pactise avec un islam qui multiplie les appels à la conversion et attrape dans ses filets quantité d’anciens catholiques qui ont cru au dialogue entre les religions et sont de fanatiques défenseurs de leur nouvelle foi. Quitte à aller s’enrôler dans les rangs de Daech et mourir en martyr, après avoir semé la terreur autour d’eux et commis d’odieux carnages.
Le piège des migrations
L’ancien conseiller de François Mitterrand évoque implicitement la bombe démographique néoprotestante qui arrive dans nos banlieues et commence déjà à submerger notre vieille culture européenne, à force de mimétisme avec l’Amérique multiraciale et multiculturelle si présente sur le terrain et dans nos médias. Les récentes polémiques sur la colonisation et la volonté de certains de faire un sort, par exemple, à Colbert coupable d’avoir édicté le Code noir, sont là pour le prouver. Le néoprotestantisme évoqué par Debray est marqué par le protestantisme américain et mondialisé et n’a rien à voir avec le protestantisme européen de Luther et Calvin. Cette Afrique, majoritairement protestante, qui vient à l’assaut de l’Europe avec sa musique, ses rites et sa théologie arrive sur un continent de tradition catholique. Kinshasa, la plus grande ville francophone d’Afrique, est à majorité protestante bien que créée par des Belges très catholiques.
Apparemment, nul ne se soucie, au sommet de l’Etat, des conséquences d’une future cohabitation de ces néoprotestants avec les millions de musulmans présents dans notre pays et des inévitables frictions, pour ne pas dire plus, qui ne manqueront pas de se produire entre ces populations. Et quid des futurs lieux de culte qu’elles exigeront afin de pratiquer leur religion – également très prisée par les gitans et autres communautés roms – avant de vouloir évangéliser l’ensemble de la planète ? A propos d’églises évangéliques, une exposition de photos organisée au Couvent des Jacobins de Toulouse (2) permet au visiteur de s’intéresser à l’histoire des migrations religieuses africaines en Europe. David Spero présente d’improbables bâtiments de la banlieue londonienne, juxtaposant slogans commerciaux et religieux et privés de toute référence au sacré.
L’architecture religieuse et le sacré
Présentée dans un premier temps au Musée International de la Réforme de Genève, cette exposition qui présente de très belles photos d’architecture religieuse – comme celles de Cyril Porchet sur les églises baroques de Bavière, d’Espagne ou d’Amérique centrale – m’a cependant plongée dans une tristesse infinie avec les 24 églises lorraines en béton photographiées par Eric Tabuchi et qui ont pris la place de petites églises de villages détruites par les bombardements américains de 1944. Ces monstres écrasant le paysage sont en totale rupture avec l’architecture précédente qui respectait le sacré. Même impression de malaise et de démesure avec les photos de Fabrice Fouillet qui, avec la série de Corpus Christi observe la rupture esthétique à l’œuvre dans les églises à partir des années 1920. Nudité, gris du matériau, hauteur vertigineuse des nefs, bref le regard se perd… et la foi peut-être également. On peut éprouver les mêmes sentiments avec les églises construites par Le Corbusier à Firminy ou Ronchamp et qui témoignent d’un gigantisme excessif. Des raisons parmi d’autres évoquées plus haut et qui ont amené, ce dernier demi-siècle, un grand nombre de paroissiens à s’éloigner du catholicisme, contribuant ainsi à l’épanouissement d’autres religions.
(1) Editions du Cerf, 94 pages, 8 euros.
(2) Le ciel devant soi. Jusqu’au 17 septembre 2017, Couvent des Jacobins, rue Fermat, Toulouse.