L’immonde « Etat islamique » aura fait au moins une catégorie de gens heureux, les collectionneurs de pièces de monnaie, les numismates. Le mouvement terroriste a en effet battu monnaie et, depuis la fin de 2015, fait donc circuler sa propre monnaie. Il y a huit pièces différentes, trois en or, trois en argent et deux en cuivre. Le recto représente la carte du monde, et le verso une inscription – en arabe bien entendu – à la gloire d’Allah, du califat, de l’Etat islamique.
Cette monnaie est censée supplanter le dollar, qui est, comme chacun le sait, la monnaie des « croisés » (sic !). Et elle doit notamment être utilisée pour toutes les transactions commerciales internationales, et pas uniquement à l’intérieur des territoires soumis à son joug, une partie de l’Irak et de la Syrie, quelques portions du sol libanais. Les acheteurs de pétrole ou d’antiquités en provenance des territoires « libérés » par Daech sont censés devoir utiliser cette monnaie pour leurs transactions.
Mais c’est là que tout se complique. En effet, si l’on va ailleurs que dans les territoires soumis, le fait d’être trouvé en possession de cette monnaie peut être considéré comme le signe d’une accointance avec l’Etat terroriste, voire d’une participation à son financement. Et par ailleurs, les possibilités d’entrer en territoire islamiste ou d’en sortir se réduisent actuellement comme une peau de chagrin ; et la circulation de ces pièces se limite donc de plus en plus à un usage purement interne. A noter même que les militants et soldats de Daech sont payés en dollars (« croisés » !) et pas en dinars islamistes !
Quant aux autres, et en particulier à ceux qui ont commercé récemment avec l’Etat islamique et qui ont été payés en « monnaie du pays », ils préfèrent ensuite fondre les pièces pour en récupérer l’or ou l’argent, s’ils ne veulent pas prendre le risque d’être emprisonnés ; car la possession de cette monnaie trahit de façon presque certaine des liens avec l’Etat terroriste.
On imagine bien, alors, le bonheur du numismate qui parviendrait à se procurer de telles pièces de monnaie, qui auraient franchi des frontières désormais quasiment inviolables, et échappé à la confiscation ou à la fonte ! D’ici quelques années – sauf si Daech triomphe –, de telles pièces vaudront une petite fortune. Elles font déjà saliver les collectionneurs du monde entier, qui ont lancé, sur internet ou dans les revues spécialisées, des appels du pied pour tenter d’en obtenir.
D’autant que, indépendamment de leur rareté, ces pièces ont une valeur marchande intrinsèque : celles ayant la plus grosse valeur faciale contiennent plusieurs grammes d’or (4,25 grammes d’or pour la pièce de un dinar). Ce n’est pas de la monnaie de singe islamiste, loin s’en faut ! On parle d’une valeur de 130 dollars pour un dinar islamiste, ce qui en ferait la pièce de monnaie ayant cours la plus chère au monde.
Cet or provient de « confiscations islamistes », opérées en particulier dans les stocks d’or de la banque centrale irakienne. Comme l’or a été réévalué de plus de 20 % depuis le début de l’année, le trésor de Daech a grossi dans les mêmes proportions, même si son aire d’utilisation s’est rétrécie.
Mais si Daech s’écroule, gageons que ce n’est pas de 20 % qu’augmentera la valeur de la collection des numismates, mais de 200 %, au moins !
Francis Bergeron – Présent