Peut-on être catholiques et socialistes ?

Tribune libre de l’abbé Guillaume de Tanoüarn*

Je dois au Père Viot, avec lequel je collabore pour écrire un livre d’entretiens sur la nouvelle évangélisation, quelques lignes de Pie XI qui fournissent une réponse admirablement claire à la question redoutablement simple qui fournit le titre de cette intervention. Alors que le gouvernement, par le biais d’un expert “indépendant”, se mêle de donner des leçons de stratégie à l’une des très grandes entreprises françaises, tout en annonçant qu’il faudra trouver 33 milliards d’euros et que l’on compte sur nos impôts pour empêcher la banqueroute de l’Etat, alors que la cote de popularité de notre président normal flirte déjà avec des abysses électorales, j’avoue que je ne résiste pas à vous livrer ce texte, tiré de Quadragesimo anno et qui condamne non seulement le communisme, mais, explicitement, le socialisme né de la scission du Congrès de Tours :

“Nombreux sont les catholiques qui, voyant bien que les principes chrétiens ne peuvent être ni laissés de côté ni supprimés semblent tourner le regard vers le Saint Siège et nous demander avec insistance si ce socialisme est suffisamment revenu de ces fausses doctrines pour pouvoir, sans sacrifier aucun principes chrétien, être admis et en quelque sorte baptisé.
            Voulant, dans notre sollicitude paternelle, répondre à leur attente, nous décidons ce qui suit : qu’on le considère soit comme doctrine, soit comme fait historique, soit comme action, le socialisme, s’il demeure vraiment socialisme, même après avoir concédé à la vérité et à la justice ce que nous venons de dire, ne peut pas se concilier avec les principes de l’Eglise catholique, car sa conception de la société est on ne peut plus contraire à la vérité chrétienne. Selon la doctrine chrétienne, en effet le but pour lequel l’homme, doué d’une nature sociable, se trouve placé sur cette terre est que, vivant en société et sous une autorité émanant de Dieu, il cultive et développe pleinement toutes ses facultés à la louange de son Créateur et que remplissant fidèlement les devoirs de sa profession ou de sa vocation quelle qu’elle soit, il assure son bonheur à la fois temporel et éternel. Le socialisme, au contraire ignorant complètement cette sublime fin de l’homme et de la société, ou n’en tenant aucun compte, suppose que la communauté humaine n’a été constituée qu’en vue du seul bien être… Que si le socialisme, comme toutes les erreurs, contient une part de vérité (ce que d’ailleurs les Souverains Pontifes n’ont jamais nié) il n’en reste pas moins qu’il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. Socialisme religieux, socialisme chrétien, sont des contradictions : personne ne peut être au même temps bon catholique et vrai socialiste.» (Encyclique Quadragesimo anno, paragraphe 54 et 55)

Notons-le : ce que condamne le pape dans le socialisme, c’est avant tout le matérialisme. Vieille cible de l’enseignement pontifical depuis Pie IX, le matérialisme est aussi bien du côté du socialisme que du libéralisme.
Mais il y a chez Pie XI un autre diagnostic sur les entreprises politiques modernes. Il en critique la statolâtrie. Le mot se trouve dans Mit brennender Sorge, l’encyclique signée en 1938 contre le national-socialisme. On peut dire qu’il s’adapte bien à la critique du socialisme que l’on trouve dans Quadragesimo anno. La vénération pour l’Etat, qui déresponsabilise les individus, est assurément l’un des fléaux politiques modernes. La solution chrétienne est toujours à chercher du côté d’un personnalisme intégral. Elle bannit toutes les formes (y compris la forme humanitaire) de l’étatisme.

*L’abbé Guillaume de Tanoüarn est prêtre à l’Institut du Bon Pasteur. Il anime un blog.

Lire aussi :
> Si je votais pour un discours… par l’abbé Guillaume de Tanoüarn

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13 Comments

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  • Marc , 15 septembre 2012 @ 13 h 51 min

    La gauche française est bien éloignée du congrès de Tours, mais peu impose. Le message chrétien ne s’accommode d’aucune idéologie, ou alors peut-être d’une utopie totale qui considère l’individu comme seul être responsable du bien commun, l’anarchisme.
    Ce qui est sur, c’est que le christianisme ne peut se reconnaître ni dans une idéologie égoïste, le libéralismeeconomique lui est donc totalement étranger.

  • Isidore , 15 septembre 2012 @ 20 h 19 min

    Sauf que 1°, le libéralisme économique n’est pas une idéologie mais le fonctionnement normal et le plus efficace de l’économie, et non-volontariste au contraire de toute idéologie(y compris le libéralism
    moral); et que,2°,entre la liberté et la non-liberté,il n’ y a pas d’alternative.Comme au routier,c’est l’un ou l’autre,fromage ou dessert ! A n’est pas Non-A !
    Espérer passer entre les deux,c’est de la tièdeur !

  • Isidore , 15 septembre 2012 @ 20 h 30 min

    Sous certaines conditions
    La première étant la lucidité et de comprendre que,en ce qu’il a de valable,le socialisme n’a rien de nouveau,et,en ce qu’il a de nouveau,rien de valable !
    C’est ST Vincent de Paul qui disait qu’il n’ y a pas de vraie charité sans intelligence.
    Il y eut aussi un pas très catholique,il est vra,mort sous l’échafaud,qui avait une formule amusante: “Il faut être juste avant d’être généreux,comme on a des chemises avant d’avoir des dentelles”. (du temps où on portait des chemises à dentelles).

  • Goupille , 15 septembre 2012 @ 21 h 01 min

    Tout dépend, Monsieur l’Abbé, de quel Catholicisme vous parlez…

    Le catholicisme estampillé CEF, si j’en crois la catéchèse diocésaine pour adultes que j’ai suivie pendant trois ans, ayant choisi d’éviter tout soupçon de transcendance pour s’installer dans une horizontalité immanente stricte se retrouve de facto socialo-compatible. Et sans complexe, sa catéchèse pour enfants est devenue l’habituel prêchi-prêcha humanitaro-humaniste, culpabilisateur de préférence.

    Quant au personnalisme intégral mêlé d’anti-étatisme dans le monde actuellement existant, cela risque, pour chacun, de tourner au carnage, du fait du “renard libre dans le poulailler libre”.
    Bien sûr que nous rêvons tous d’un homme responsable de ses actes, de sa vie, de son destin et donc de son salut, mu par les valeurs du Catholicisme dans une société catholique non estampillée CEF…
    Si vous la voyez poindre quelquepart, n’hésitez pas : je suis preneuse.

    Mais j’ai bien peur que la descente à l’abîme ait commencé le jour où Philippe Le Bel a fait brûler les Templiers… Que serait devenue une Europe organisée et régulée par une théocratie chrétienne ?

  • JG , 17 septembre 2012 @ 15 h 41 min

    Ouarf ! Votre petit 1 est lui-même le premier commandement de l’idéologie libérale : “nous disons les lois naturelles du fonctionnement de l’économie…” Comme s’il n’y avait qu’une économie totalement abstraite des conditions social-historiques et des soucis des hommes.
    Il y a tout à fait une alternative entre la liberté et la non-liberté : quand vous êtes marié, ou que vous éduquez des enfants, êtes-vous libre ou esclave ?

  • Steph , 17 septembre 2012 @ 23 h 18 min

    Mais enfin, M l’Abbé, il faudrait quand même que porter une soutane ne vous empêche pas de vous mettre un peu à la page !

    Qu’il a t’il de commun entre un socialisme du début du siècle précédent, et le socialisme des années 2012 ? Quand on entend causer Montebourg sur Capital (hier), il faut vraiment le savoir, qu’il est socialiste ! A l’inverse, comment une “droite” aussi gangrenée de matérialisme pourrait-elle s’exonérer des foudres papales ? Le bilan des 5 dernières années de cette “droite” n’est vraiment pas brillant, en terme de “non-socialisme” (ie une vision de société basée sur le seul bien être).

    S’il ne me viendrait pas à l’idée de vous contester le droit d’être un fervent (et pieux) soutien de Nicolas Sarközy, bien que la position que vous avez exprimée à ce sujet entre les deux tours m’ait beaucoup étonnée, je trouve que lorsque vous voulez justifier votre position politique par des arguments religieux, moraux ou spirituels, vous vous avancez sur un terrain trop délicat pour n’y utiliser que des arguments un peu courts, si je puis me permettre une remarque déplaisante.

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