D’autres livres pour tenir jusqu’au 21 septembre!

Ma Bibliothèque Municipale affiche chaque année ce slogan : « Pendant l’été, lisez les livres de l’année écoulée ». J’ai donc puisé pour vous dans les piles accumulées depuis un an, sachant que l’été finit le 21 septembre, et qu’il vous reste encore, j’espère, quelques soirées sans devoirs de vacances, ni corvées de rentrée.

Wieviorka
Evidemment, comme toujours à l’approche d’élections, le présentoir de ma B.M. (je n’habite ni Orange, ni Fréjus) offrait d’abord de « bons livres » indiquant comment « bien voter » et éviter les bêtes immondes. J’avais eu droit en 2007 aux mémoires « politiques » d’Azouz Begag (ou « comment draguer quand on a un téléphone de ministre à sa disposition », toute honte bue), parce qu’il militait contre Sarkozy. Cette année c’est plus sérieux : Le Séisme, Marine Le Pen présidente, par Michel Wieviorka (R. Laffont, 20 euros). Comme film-catastrophe, c’est raté, les effets spéciaux ne fonctionnent pas : une crue de la Seine est prévue pour le 4 décembre 2017 et le Brexit pour 2018, mais tout ça a déjà eu lieu à peine le livre paru ! Comme politique-fiction, ce n’est guère plus crédible : les vedettes des Républicains qui se sont ralliées à Marine acceptent des strapontins minables, Morano les Sports, Hortefeux les Affaires sociales, Wauquiez les Anciens combattants ! Guaino et Longuet sont mieux lotis, mais de grands ministères vont aussi à Zemmour (Education) et Dupont-Aignan (Défense nationale)… qui démissionnent au bout de six mois, parce que le Premier ministre Philippot leur refuse les moyens de mater les fonctionnaires en violant un peu la Constitution (Dupont-Aignan est particulièrement invraisemblable dans son rôle de Bonaparte). Donc, retour à des élections législatives.

— C’est tout ?

— Oui, ce serait tout si l’avant-dernier chapitre, minute de vérité ! ne révélait soudain les fantasmes de l’auteur, et son totalitarisme digne du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. Le grand crime de Marine présidente, c’est qu’elle met fin au règne des savants fous et de leur « génie biologique » : « Il est temps de respecter la nature et de cesser de fabriquer des êtres humains en charcutant les embryons », a-t-elle osé déclarer à des journalistes « effarés », alors que la France occupe déjà une place médiocre sur « ces enjeux » (sic : le nouveau mot-cliché qui couvre le vide de la pensée, en ce début de siècle). Et ça, ça angoisse vraiment M. Wieviorka, qui se demande comment l’humanité a pu vivre avant le Dr Frydman.

Luchini


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Pour les pages (profondes) sur Céline, pour le récit (hilarant) de ses relations avec Roland Barthes, le premier livre du comédien Fabrice Luchini vaut le détour, et un coup de chapeau, car c’est courageux autant que talentueux. De bonnes pages sur Molière aussi. Le reste tire un peu à la ligne, même sur Rimbaud ou Muray. Le titre : Comédie française, ça a débuté comme ça… (248 p., Flammarion, 19 euros).

Raoul Salan

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J’ai dû sortir de ma B.M. pour me procurer le Salan de MM. Angelelli et Zeller (12 euros, éd. Pardès, 44 rue Wilson, 77880 Grez-sur-Loing). C’est un petit chef-d’œuvre. Je le recommande à tous, mais particulièrement aux enseignants : les 20 pages sur la Guerre d’Indochine, où je m’embrouillais jusqu’à présent, sont d’une clarté lumineuse.

Certes, il y a déjà de grosses biographies de Raoul Salan (et il a publié ses Mémoires), mais ce petit volume parvient à démêler la vie publique, la vie privée, à brosser un portrait, à ne pas oublier les seconds rôles. Il y a même quelques détails inédits, une soixantaine d’illustrations, une chronologie. Ne ratez pas, à la fin, les huit pages de « jugements » contrastés sur Salan. De Gaulle : « Un drogué… Je le balancerai » (le livre explique bien d’où vient la légende du drogué) ; Françoise Giroud : « Mort à Alger dans l’attentat de janvier 1957, Salan aurait laissé le souvenir d’un général républicain et même socialiste assassiné par un groupe de conjurés d’extrême-droite ». Socialiste ? Ben… après tout, il avait la francisque, comme Mitterrand.

Wodehouse

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Chez les humoristes anglais, il y a les alcools forts et la petite bière. Parmi les premiers je range Evelyn Waugh (Grandeur et décadence, Ces Corps vils, Le Cher disparu…) : pour vous réveiller les jours de pluie ! P.G. Wodehouse, j’ai tendance à le ranger avec la petite bière, qui, servie fraîche, n’est pas désagréable par une fin d’après-midi ensoleillée. Pour ceux qui l’ont déjà fréquenté, Les Belles Lettres éditent des volumes peu connus en France. Cette année Monty, Gertrude, Sandy et les autres (192 p., 14 euros). Monty rentre des Etats-Unis avec l’intention d’épouser sa délicieuse partenaire (hockey) des gazons anglais. Sur le paquebot, d’inquiétants ou grotesques personnages vont entraver ce projet.

Si vous ne connaissez pas Wodehouse, il vaut mieux commencer par Bonjour, Jeeves ! (304 p., 8 euros) que réédite la collection 10/18. C’est une bonne entrée dans l’univers de l’auteur. Jeeves est en effet sa créature la plus réussie : un personnage de butler, c’est-à-dire de majordome comme seuls en ont (en avaient ?) les Anglais ; son maître est un jeune aristocrate étourdi, Bertram (dit Bertie), mais Jeeves reste imperturbable. L’intrigue tourne ici autour d’un objet à récupérer. On goûtera particulièrement les dialogues.

Amin Maalouf
L’académicien d’origine libanaise brosse le portrait de ses 18 prédécesseurs au 29e fauteuil : Un fauteuil sur la Seine, 332 p., 20 euros. Certes l’auteur arrondit un peu trop les angles (pour le sournois Renan ou l’abruti Challemel, par exemple) ; il y a quelques erreurs (Montherlant ne fut pas un héros en 14-18), quelques jugements contestables (sur le très néfaste Gambetta, ou le « gentil » De Gaulle)… Mais c’est de la très bonne vulgarisation. On y découvre Nicolas Bourbon, deuxième titulaire du fauteuil bien qu’il n’ait su écrire qu’en latin, Challemel-Lacour et Hanotaux, qui n’étaient pour moi que des noms au dos de vieux livres reliés. On comprend que Florian n’était pas seulement un fabuliste, ni Michaud uniquement l’auteur d’une Histoire des Croisades illustrée après sa mort par Gustave Doré…

Histoire et latin

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Un peu d’histoire religieuse et de latin pour finir. Je veux signaler la parution du troisième tome (il y aura un quatrième) de la vie de Mgr Freppel, le bouillant Alsacien devenu évêque d’Angers et député du Finistère, par le Frère Pascal du Saint-Sacrement. Le Frère prend son temps, cite longuement son personnage, mais aussi les adversaires. Il a fait une belle moisson d’illustrations (dont quelques croquis et caricatures peu connus), consulté certaines archives inédites. On peut prendre cette biographie en marche (Mgr Freppel, tome III, 1880-1886, 462 p. 27 euros, éd. CRC, B.P. 3, 10260 St-Parres) ou acheter les trois volumes à la fois (chacun comporte un index très pointu). Conviendrait particulièrement à la lecture au réfectoire des monastères (surtout à Solesmes, Dom Couturier et Dom Pitra étant très présents dans ce tome III).

Je n’en dirai pas autant de la petite anthologie de poésie latine (de l’Antiquité au XVIIIe siècle) intitulée Aimer, vivre et mourir (éd. Tarabuste, rue du Fort, 36170 St-Benoît-du-Sault, 144 p., 14 euros). Car elle mêle l’érotisme le plus cru et les poèmes religieux, les plaisanteries faciles et la préciosité savante. Lionel-Edouard Martin a choisi de brefs extraits des grands classiques (de Lucrèce à Lucain), mais surtout des néo-latins : Allemands, Italiens, Croates (dont un bénédictin), un Ecossais (Buchanan), deux Anglais (Crashaw et Cowley), deux Flamands, et deux Français : Jean Bonnefons et Nicolas Bourbon l’humaniste, grand-oncle de l’académicien homonyme évoqué par Maalouf.

J’ai surtout aimé me promener parmi les tombeaux. Celui que décrit Ignazio Giorgi, donnant naissance à une source pure (Pura es, nam sordes tergere fata solent) ; celui qu’Ausone a du mal à identifier, car les inscriptions sont à moitié effacées comme dans beaucoup de cimetières : Miremur periisse homines ? Monumenta fatiscunt,/ Mors etiam saxis nominibusque venit (« S’étonner de la mort quand les tombes succombent/ Et que meurent aussi les pierres et les noms »). Si L.-E. Martin est éclectique dans le choix des textes, il s’en tient généralement à l’alexandrin pour la traduction. Un petit inconvénient : il ne donne pas le texte latin, et les références sont sommaires ; mais si vous avez l’internet, vous trouverez tout en utilisant les sites « remacle.org » ou « lionel-edouard.martin.net » Profitez des vacances pour rafraîchir votre latin.

Robert le Blanc – Présent

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