Migrants et vacanciers… selon Der Spiegel

A l’heure où l’Europe tergiverse sur la question des migrants, de nombreux réfugiés affluent sur les côtes européennes et cotoient les touristes venus profiter des beaux jours. Une confrontation difficile et parfois violente, rapporte Der Spiegel*. Depuis des mois, l’Union européenne (UE) fait face à une vague de migrants sans précédent. En provenance de Syrie, du Moyen-Orient ou d’Afrique subsaharienne, les réfugiés cherchent à atteindre les côtes européennes.

Mais quand ils arrivent en Turquie, à Malte ou à Melilla – enclave espagnole frontalière du Maroc –, quand ils attendent leur embarcation, quand ils font face à d’importantes violences, ils croisent des personnes venues d’un tout autre monde : les touristes, explique Der Spiegel. Le magazine allemand s’est rendu dans cinq pays d’Europe du Sud sonder cette rencontre qui soulève la question : “Avons-nous le droit de passer nos vacances là où d’autres luttent pour leur survie ?”

L’hebdomadaire rapporte par exemple cette scène sur les plages : les réfugiés attendent un bateau ou envisagent de partir à la nage. Et, avant la prochaine tentative, ils côtoient les touristes venus profiter du soleil et de la mer d’un bleu turquoise. Les autorités font ce qu’elles peuvent pour séparer les deux groupes, mais les rencontres sont fréquentes.

“Dans les boutiques sur la plage, ils achètent le même bateau gonflable – certains pour s’amuser, les autres comme moyen de s’enfuir. Et il y a des moments tragiques où les sacs en plastique contenant des passeports, un peu de monnaie et des chaussures arrivent près des chaises longues des touristes. Ou quand des corps sont ramenés par les vagues”, raconte Der Spiegel.

A Bodrum, en Turquie, les touristes fréquentent des hôtels de luxe, reçoivent des massages dans des spas et disposent d’une plage privée où ils sirotent tranquillement un coktail. Située au nord-ouest du pays, la ville n’est qu’à quelques kilomètres de l’île de Kos, en Grèce. Elle est devenue une importante porte d’entrée vers l’UE pour les migrants qui peuvent traverser la mer en quelques minutes, sur des radeaux de fortune.

Fidan, arrivée à Bodrum de Syrie avec ses deux enfants, confie être lassée “du regard et de la pitié” des touristes. De leur hostilité et de leur violence, aussi. Car, selon le journal allemand, les professionnels du tourisme accusent les migrants de gêner les vacanciers et de “ruiner l’économie locale”.

“Les chauffeurs de bus disent que les réfugiés sentent mauvais, qu’ils ne doivent pas monter dans les bus et qu’ils devraient marcher. Des touristes leur jettent des pierres du haut du balcon de leur hôtel. Tout ce qu’ils veulent, pourtant, c’est mettre leurs pieds dans l’eau et nager”, nuance le Spiegel.

En mai, le Daily Mail écrivait que, “à cause des migrants, Kos, qui était jusque-là un lieu de vacances populaire, est désormais un taudis”. Selon l’hebdomadaire allemand, les agences de tourisme ont été submergées d’appels de touristes qui voulaient savoir si les migrants vivaient en ville et fréquentaient aussi les hôtels.

Quelques vacanciers prennent leur défense. “La mer appartient à tout le monde”, martèle une femme sur la plage de Bodrum. Mais ces réactions sont peu nombreuses. Les touristes rencontrés par le Spiegel confient ne pas savoir quel comportement adopter face à l’afflux de migrants. “Quelle est la bonne réponse ? Ne pas y aller ? Est-ce que cela ne nuirait pas au pays qui a plus que jamais besoin du tourisme ?” s’interroge l’un d’entre eux.

Et puis, lorsque la nuit tombe et que les vacanciers rentrent à l’hôtel, les réfugiés rejoignent la côte en espérant que cette nouvelle tentative sera la bonne. “Ils ne savent pas que les courants sont très dangereux dans la mer Egée, estime le Spiegel, ou, s’ils le savent, ils sont prêts à prendre le risque, surtout après avoir survécu à autant de dangers.”
Malte, Melilla, Bodrum : ces trois stations balnéaires essaient de maintenir leur activité touristique tout en faisant face à l’afflux de migrants. Elles attendent un soutien de l’Europe, mais, selon l’hebdomadaire, “il n’y a pas d’issue en vue”.

Source

*Der Spiegel (littéralement « Le Miroir ») est le plus grand et le plus influent hebdomadaire allemand d’investigation, tendance centre gauche.

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