Chaque année pendant l’été, les mêmes scènes se répètent un peu partout en France : le déversement de bennes entières de fruits et légumes devant des préfectures, des centrales d’achat, des supermarchés, parfois des ambassades, comme ce fut le cas mardi 11 juillet devant le consulat d’Espagne à Perpignan, où les arboriculteurs en colère ont purement et simplement détruit deux tonnes de pêches. L’été ne fait que commencer et il est à parier que cette pratique va se renouveler dans les prochaines semaines, dans d’autres endroits et sur d’autres produits bruts.
Comme à l’accoutumée, les agriculteurs pestent contre les « pratiques déloyales » qu’ils demandent aux « services de contrôle » de « sanctionner », indique un communiqué commun de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), de la FNPF (Fédération nationale de la pêche en France) et de JA (Jeunes agriculteurs). Il faut traduire « pratiques déloyales », notamment, par « dumping social », et « services de contrôle » par les directions départementales des territoires (DDT) et celles de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).
Voilà des décennies que les agriculteurs, en particulier ceux qui emploient de la main-d’œuvre, se plaignent des écarts de salaires et de charges sociales entre, d’un côté, la France et, de l’autre, les pays européens (ou non) qui n’ont pas le même niveau de vie et les mêmes exigences que le nôtre. Les distorsions de concurrence sociale et salariale existent. Mais ni les gouvernements successifs en France, ni l’Union européenne (Parlement, Conseil et Commission) n’ont pris ce problème à bras-le-corps. Par exemple, le SMIC est deux fois moins important en Espagne qu’en France. Dans ce même pays, il y a beaucoup de travailleurs marocains payés au prix du Maroc. De plus, tous les pays ne respectent pas les normes sanitaires qu’impose (normalement) l’Union européenne.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les générations les plus jeunes consomment quatre fois moins de fruits et de légumes que leurs grands-parents, assure une étude du CREDOC publiée le 11 juillet. Questions : comment les agriculteurs français vont-ils s’en sortir ? Que fait le gouvernement ? Que fait l’Europe ? Réponse : rien comme d’habitude.
Henri Saint Amand – Boulevard Voltaire