Nothingwood est un titre paradoxal pour un documentaire sur l’un des rares réalisateurs afghans d’aujourd’hui, tournant effectivement en Afghanistan avec des acteurs ou, beaucoup plus difficilement, des actrices locaux. Comme il y a Hollywood aux Etats-Unis, Bollywood en Inde, Nollywood au Nigeria, il y aurait Nothingwood, de l’anglais nothingsignifiant rien, et –wood signifiant non plus la forêt mais étant pris comme un suffixe désignant un grand centre de production cinématographique. Le titre est paradoxal car en effet, il n’y a certainement pas d’industrie du cinéma en Afghanistan mais en cherchant bien, on trouve quelques réalisateurs actifs. Nothingwood traduit d’ailleurs approximativement en anglais un jeu de mot en dari, la variante du persan parlée en Afghanistan et concurrençant le pachtou comme langue nationale, puisqu’il perd le jeu sur les sonorités qui renvoie lui en VO nettement à Bollywood.
En effet, le cinéma populaire afghan, celui dont il est question, imite, avec des moyens ô combien plus modestes, le cinéma indien. Ce cinéma reste relativement pudique dans les plans, ce qui convient bien davantage à la mentalité afghane que l’exhibitionnisme si fréquent que l’on n’y fait même plus attention de tant de films américains ou européens. Le caractère simple de ses intrigues, souvent des histoires d’amour contrariée, permet à tous de suivre facilement, même dans des pays où tout le public ne maîtrise pas forcément la langue des interprètes, chose valable en Afghanistan comme en Inde. La réalisatrice européenne de ce documentaire, spécialiste de l’Afghanistan, a affirmé avoir voulu montrer « quelque chose de positif », autre chose que les massacres et attentats habituels…Ils ont d’ailleurs eu lieu comme d’habitude durant le tournage, avec des centaines de morts en quelques semaines, sans que ça fasse les gros titres à l’étranger, de telles tueries étant désormais considérées comme « normales »…Nothingwood se veut donc un essai de vision optimiste de l’Afghanistan. Avec des moyens dérisoires, dans des conditions sécuritaires toujours problématiques, survit donc un cinéma afghan.
Nothingwood, une curiosité sociologique fort plaisante
C’est assurément fort sympathique. Maintenant, il faut avoir l’honnêteté de préciser que les films populaires afghans actuels ne figureront pas parmi les chefs d’œuvres du septième art. Ses scènes comiques ne volent en particulier vraiment pas haut. Hors de Kaboul, enclave d’un modernisme bien relatif, il est impossible de trouver des femmes acceptant d’être filmées, donc a fortiori de mener un travail d’actrices. Les rôles féminins sont donc tenus par des hommes efféminés, ce qui fait bien rire le public…En creux, le documentaire permet d’observer beaucoup de choses de la société afghane. Ainsi, par exemple, le réalisateur si ouvert en apparence, ravi de la publicité qui lui est faite, ne montrera jamais ses femmes – il en a deux – ni ses filles à la réalisatrice, et surtout pas à sa caméra. Nothingwood est certainement une curiosité sociologique, peut-être plus que cinématographique, et, ce n’est pas rien, fort plaisante.