https://www.youtube.com/watch?v=kHCxrLcAtbM
La Forêt de Quinconces est un film français exceptionnel, véritablement audacieux, dans ce que ce terme peut avoir de positif. Il s’inscrit dans un genre très rare au cinéma, le drame romantique. Il pourrait être pris pour l’adaptation d’une pièce de qualité et oubliée des années 1830-1840. Il n’en est rien. Le film repose sur un scénario original, très écrit, pour une fort large partie en vers, et en vers réussis. La Forêt de Quinconces a éveillé immédiatement en nous une vive sympathie pour son aspect d’aventure non seulement cinématographique, mais aussi véritablement littéraire. Nous concevons certes qu’un spectateur peut n’adhérer en aucune manière à la démarche du film, comme on rentre ou non dans un roman d’amour. La critique officielle au festival de Cannes ne l’a pas du tout compris ; dans l’ambiance actuelle, nous y voyons plutôt un bon signe. Ainsi, le spectateur qui se laisse emporter par le souffle unique et prodigieux de la Forêt de Quinconces passe un moment de plaisir esthétique rarissime au cinéma.
Cette sensibilité romantique est transcrite, curiosité – mais pourquoi la prohiber ? – dans un cadre strictement contemporain de la région parisienne, à Paris et dans la proche banlieue. Suite à un petit accident sans gravité lors de leur promenade sportive, une fiancée congédie brutalement, sur le champ, en principe définitivement, son fiancé…Il s’effondre moralement. Elle était tout son univers. Il perd son travail, erre dans la rue. A l’état d’épave, il est recueilli par sa sœur, et son beau-frère. Ce dernier, dévoué aussi, finit, ce qui se comprend, par s’agacer dans la durée par la présence épisodique d’un dépressif aux comportements extravagants. Certains éléments logiquement réalistes, dans les échanges quotidiens entre les personnages, ou les scènes de querelles, coexistent avec les beaux vers dialogués, ou avec des passages à la limite du fantastique, dont un sort amoureux renouvelé des romans de chevalerie. Les beaux vers dialogués dominent ; les quelques passages parlés rompent volontairement l’harmonie en employant des expressions quotidiennes, voire familières ; cette rupture de ton, discutable, nous a semblé plutôt pertinente. Lors de ses errances désespérées, cet ex-fiancé rencontre une belle jeune femme ; il la séduit. La séduction est-elle réciproque ? Ou agit-il par une forme de vengeance cruelle ? Entre ses discours et ses émotions fluctuants, voire perturbés, ses motivations restent peu claires. Le drame romantique constitue un trio amoureux, où les personnages, avec leurs défauts ou leurs erreurs, voudraient s’aimer, mais éprouvent les plus grandes difficultés pour y parvenir.
En accord avec notre triste époque, mais ceci aurait déjà pu être vrai dans la première moitié du XIXème siècle, il manque aux personnages la foi chrétienne, qui seule leur aurait permis de surmonter leurs souffrances.