Invité d’honneur de la France pour les célébrations du 14 juillet, le Mexique ouvrira le défilé militaire de mardi avec la présence d’un détachement de l’armée mexicaine. L’occasion de revenir sur les origines de l’expression «armée mexicaine» et sa signification. «Cette formule permet d’exprimer l’idée qu’il y a dans une organisation énormément de responsabilités, trop de hiérarchie et un manque de combattants» explique Jean Pruvost, professeur de lexicologie et de lexicographie à l’Université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Elle traduit aussi bien le désordre d’une organisation censée être structurée qu’une situation où les décisionnaires seraient plus nombreux que les exécutants. Le sens de cette expression dans la langue française permet d’expliquer une abondance de responsabilités. «Un peu comme dans Tintin où les militaires sont bardés de médailles, cette locution désigne un ensemble où tout le monde dispose d’un rôle, et dont le surcroît est gage d’inefficacité.» Jean Pruvost indique que cette formule est usitée surtout dans la seconde moitiée du XXe siècle en France.
«Dans les années 1970 ou 1980, on utilisait cette expression pour désigner l’administration. Cela revient à se demander où sont les exécutants et qui obéit». Son arrivée est cependant assez précoce dans la langue française, «dès 1910 , grâce aux journalistes et aux observateurs politiques. Mais ce n’est pas une formule spécialement française. En Angleterre, ils utilisent l’expression Mexican army pour désigner l’inefficacité des décideurs. Ce qui est assez étonnant, c’est que c’est une des seules expressions péjoratives et méprisantes avec le mot armée. Par exemple, l’Armée rouge, l’Armée céleste, ou encore la Grande Armée, toutes ces expressions sont valorisantes» analyse le professeur de lexicologie. L’idée de l’absence de chef, d’un décideur est «une perception internationale» ajoute-t-il pour justifier l’emploi de cette formule.
La locution tire son origine sémantique de l’histoire de la révolution mexicaine de 1910. Au nord du pays, l’armée conduite par Pancho Villa est rejointe par celle d’Emiliano Zapata venant du sud. L’armée révolutionnaire défend alors les aspirations des paysans et des pauvres. L’expression fait aujourd’hui référence à cette armée composée en grande partie d’officiers. En comparaison à d’autres formations militaires, l’armée mexicaine de l’époque comportait trop de décideurs par rapport au nombre de soldats sans formation militaire à commander. Jean Pruvost précise que «l’armée révolutionnaire s’est mise à recruter des paysans sans formation militaire. Pour les valoriser, on leur attribuait donc des titres, des statuts». Une manière de rendre la pareille. «Naguère quand on faisait la guerre, il fallait donner quelque chose en échange de l’engagement» explique-t-il. Au Moyen-Âge, on donnait des terres par exemple. Quand on ne pouvait pas, comme c’était le cas du Mexique, on attribuait des titres en échange de leur participation à l’armée».
De fait, devant le nombre de décideurs et la multitude d‘ordres, l’armée se trouvait ainsi désorganisée et empêtrée dans des directives contradictoires.
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