Pourquoi Guimauve le conquérant piste Le Général?

Est-ce parce que nous fêterons, le 16 juin, le 70e anniversaire du flamboyant discours de Bayeux, où le général de Gaulle esquissera ce qui deviendra, douze ans plus tard, la Constitution de la Ve République, que l’agenda élyséen se voit inhabituellement surchargé pour rendre hommage à la geste gaullienne ?

Qu’on en juge. Alors que, ce 13 juin, il aura effectué le déplacement à Colombey-les-Deux-Églises pour se recueillir devant la tombe de l’homme de l’appel du 18 juin et, à l’occasion, visiter La Boisserie, ancienne demeure d’icelui, François Hollande se rendra en fin de semaine à l’exposition « Un président chez le roi – De Gaulle à Trianon », au Grand Trianon de Versailles. Puis, comme de coutume, il s’envolera, le 18 juin, pour le Mont-Valérien aux fins de commémoration de l’appel sus-évoqué.

On devra néanmoins se demander pourquoi il n’aura pas fait un opportun détour par Bayeux, première cité délivrée, en 1944, par l’opération Overlord, au cœur de cette « Normandie, glorieuse et mutilée ». Bref, tout comme la personnalité politique du Général, ce subit engouement gaullâtre ou gaullomaniaque n’en recèle pas moins une part de mystère. Celui qui n’a de cesse de se réclamer d’une filiation (intellectuelle) mitterrandienne se commet, à présent, dans l’adoration d’un homme que son prétendu modèle, en son temps, vitupéra pour son « coup d’État permanent ».

Ce faisant, l’homme de Tulle, le sectateur des synthèses d’arrière-boutique, court le risque prévisible d’être comparé avec l’homme de Londres, le contempteur des combinaisons partitocratiques. En outre, chercherait-il à redorer le blason blet de sa cote de popularité qu’il se méprendrait lourdement.

Que reste-t-il de De Gaulle aujourd’hui ? À la vérité, on se perd en conjectures et nous avons conscience, par cet euphémisme, d’ébranler un totem. Mais le héros de la France libre ne doit-il finalement pas choir de son piédestal où tant de néo-gaullistes autoproclamés, ignares ou opportunistes (souvent les deux à la fois) l’ont élevé inconsidérément, sans oser le moindre inventaire ?

Mitterrand, qui fut sans doute le dernier président gaullien de cette République déliquescente, considérait avec une cruelle lucidité que « le général de Gaulle était entré […] dans l’Histoire, ce qui était digne d’éloges, mais il était aussi entré dans nos mœurs, ce qui était inquiétant » (Ma part de vérité, 1967).

Les plus jeunes n’en retiennent que l’icône « résistantialiste » (la seule qui leur soit enseignée, d’ailleurs) et dont l’œuvre littéraire se résume exclusivement au texte de l’appel du 18 juin. Les plus anciens auront un regard plus distancié, soupesant au trébuchet les acquêts d’un lourd héritage. Quant aux autres, les Compagnons de la Libération, ou contemporains de ces derniers, ils doivent rester hors d’atteinte, la fidélité – comme l’amitié – empruntant des sentiers aux escarpements psychologiques infiniment complexes, ressortissant de l’intime comme de l’irrationnel.

Demeure, dès lors, une posture. Ni de droite, ni de gauche. Ni même du centre. Et tout cela à la fois. Encore moins « républicaine », n’en déplaise aux thuriféraires d’une allégorie se desséchant sur le terreau aride de ses insipides « valeurs ». Mais « la République, notre royaume de France », disait Péguy. Une éthique du bien commun au service de l’indépendance nationale conçue comme la plus précieuse des libertés. Bref, un idéal de haute altitude rendu inaccessible aux viles ambitions des vains.

 

Aristide Leucate – Boulevard Voltaire

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