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Au lendemain de la mise en examen de Bill Pallot et de Laurent Kraemer, interpellés par l’OCBC qui les soupçonne d’avoir vendu des faux meubles du XVIIIe siècle, les communiqués officiels tombent. Pour Le Figaro, la galerie Aaron évoque la mise en détention provisoire de son représentant.
Les réactions s’enchaînent après la mise en examen le 9 juin par le parquet de Pontoise (Val d’Oise) de l’expert en sièges Bill Pallot, de l’antiquaire Laurent Kraemer, mais aussi d’un doreur de l’atelier de Bruno Desnoues, restaurateur d’objets d’art travaillant pour les musées français et étrangers. Ils sont soupçonnés par l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) «d’escroquerie», d’avoir fait fabriquer, vendu, des meubles de «style» pour de l’époque», des faux meubles du XVIIIe siècle, notamment au château de Versailles.
L’établissement public a diffusé dès vendredi 10 juin un communiqué: «Le Château de Versailles suit avec la plus grande attention la procédure concernant d’éventuels faux-meubles du XVIIIe siècle, en coordination avec les services du Ministère de la Culture et de la Communication, et se réserve la possibilité d’intenter toute action en justice». Ainsi Versailles sort de sa réserve. La directrice du musée des châteaux de Versailles et de Trianon, Béatrix Saule, ne semble plus aussi sûre que lorsqu’elle affirmait au début du mois de mai au magazine Connaissance des arts: «Sur la foi des plus grands experts, le château considère que ces meubles sont bons sauf preuve contraire». «La ministre de la Culture va lancer sans délai une inspection administrative relative aux processus d’acquisition des biens évoqués dans cette affaire, ainsi que, plus généralement, en faveur des collections nationales.»
Communiqué du ministère de la culture et de la communication du 11 juin 2016
À son tour, le Ministère de la Culture, a réagi samedi 11 juin: «L’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) a procédé le 7 juin 2016 à trois interpellations de professionnels du marché de l’art, dans le cadre d’une enquête sur le commerce de faux meubles du XVIIIe siècle. Plusieurs meubles acquis pour le Château de Versailles entre 2008 et 2012 semblent concernés, pour un montant de 2,7 millions d’euros Parallèlement à l’enquête menée par l’OCBC qui se poursuit, la ministre de la Culture et de la Communication va lancer sans délai une inspection administrative relative aux processus d’acquisition des biens évoqués en l’espèce dans cette affaire, ainsi que, plus généralement, sur les procédures d’acquisition en faveur des collections nationales.»
Deux organisations de référence, la Compagnie nationale des experts, qui vient d’organiser les premières Assises de l’expertise au Petit Palais à Paris, et le Syndicat national des antiquaires, qui tient le cap dans la tempête de la prochaine Biennale des antiquaires prévue au Grand Palais en septembre, envisagent de se constituer ensemble parties civiles, après avoir rédigé un communiqué commun.
«Nous allons faire face à cette situation et, avec cette enquête, tirer les choses au clair. Si besoin je suis bien entendu à la disposition des enquêteurs.»
Hervé Aaron, antiquaire
Les professionnels du secteur s’étranglent. L’antiquaire Hervé Aaron, dont Bill Pallot est le représentant, transmet cette déclaration exclusive au Figaro: «Bill Pallot est en détention provisoire, c’est une épreuve pour lui, pour la galerie et pour ses employés. Notre maison existe depuis 1923. Elle a toujours été sérieuse, au service de l’art et de ses clients. Nous allons faire face à cette situation et, avec cette enquête, tirer les choses au clair. Si besoin je suis bien entendu à la disposition des enquêteurs. Pour l’heure, je ne suis en mesure de faire aucun autre commentaire et attends les conclusions des investigations qui, comme je le comprends, sont loin d’être achevées».
L’avocat de Bill Pallot, Emmanuel Pierrat, sera sans doute attentif à ces mots lorsqu’il pourra retrouver son client lundi, à l’ouverture de la maison d’arrêt. Des mots que l’on oppose aux aveux inattendus qu’avait fait l’antiquaire et historien au Figaro en juillet 2015, dans le cadre de «l’affaire Lupu», cet autre grand marchand mis en garde à vue en mars par l’OCBC et l’Office de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) pour «escroquerie «et «manœuvre frauduleuse».
«Oui, c’est vrai, j’ai vu des choses que j’aurais peut-être dû dénoncer. Mais je m’en rends compte aujourd’hui. À cause de l’ampleur que prend l’affaire Lupu, il fallait que la vérité éclate», avait confessé ce collectionneur arrivé à Paris à l’âge de 22 ans et formé par Didier Aaron, qui l’a recruté en 1987. «Vous savez, chez les antiquaires, le dénigrement est un sport national. C’est l’une des raisons pour lesquelles le marché du XVIIIe est en déshérence. Si j’avais été fils de grand antiquaire, j’aurais pu parler. Mais je voulais réussir…»
Ces interpellations font écho à l’affaire Lupu de l’année dernière, dans laquelle Jean Lupu, antiquaire parisien, avait été accusé de vendre des meubles neufs en les faisant passer pour du mobilier du XVIIIème siècle.