Tout n’est pas mauvais chez les Balkany. Ou plus exactement tout n’était pas mauvais, autrefois. L’oncle d’Isabelle, Henri Smadja, avait arraché le quotidien Combatdes griffes du PS, l’avait orienté dans le sens des engagements pour l’Algérie française. Quant à Patrick, les Levalloisiens se souviennent avec quel courage il nettoya cette grande ville de banlieue de la mainmise communiste. De 1965 à 1983, Levallois avait en effet fait partie de la « ceinture rouge » de Paris. Le maire de l’époque, Parfait Jans, était surtout un parfait stalinien. Il dirigea la commune d’une main de (rideau) de fer, accaparant les mandats : député des Hauts-de-Seine, conseiller général, etc.
La popularité persistante de Balkany doit beaucoup au souvenir des combats homériques de 1983, où les anticommunistes faisaient le coup de poing jusque dans les couloirs de la mairie de Levallois, pour résister aux assauts des mauvais perdants bolcheviques.
Mais le Patrick de 2019 n’est plus celui de 1983, comme le Levallois de 2019 n’est plus celui de 1983. La famille Balkany a prospéré financièrement aussi vite voire plus vite que Levallois elle-même, pendant ces 36 années, et dans des proportions telles qu’on ne peut pas ne pas se poser des questions. Et ces questions, les juges les posent, à présent. Alors que s’est ouvert lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris, leur procès, Patrick et Isabelle vont devoir expliquer comment et pourquoi ils ont créé des sociétés offshoredans plusieurs paradis fiscaux, comment et pourquoi ils ont ouvert des comptes bancaires à Singapour et au Liechtenstein, comment ils ont pu acquérir des villas dans les Antilles françaises, à Marrakech, etc.
Les enquêteurs croient avoir trouvé une réponse pour l’une des deux villas de Marrakech (d’une valeur de 2,75 millions d’euros) : elle aurait été payée par un promoteur immobilier saoudien. Or ce promoteur s’est vu attribuer un projet immobilier d’une valeur d’un milliard d’euros à Levallois. L’achat de cette villa avec l’argent saoudien ne serait-il pas le prix d’une corruption ?
D’où vient l’argent liquide ?
Réponse (à ce jour) du couple : cette villa ne nous appartient pas, même si elle porte le nom de nos petits-enfants, et si des objets nous appartenant y ont été retrouvés.
Autres questions que vont poser les juges au couple : d’où vient l’argent liquide qui leur sert à payer leurs innombrables voyages ? Et pourquoi toujours en liquide, précisément ?
De leurs réponses découlera l’avenir politique des époux (Balkany étant à nouveau candidat aux municipales de 2020), et dépendra même peut-être leur liberté. Car la fraude fiscale et la corruption les exposent jusqu’à dix ans de prison.
Mais dans ce dossier, l’acteur que l’on n’entend pas, c’est le parti LR, Les Républicains, le parti de Juppé et de Sarkozy, de Wauquiez et de Bellamy, d’Isabelle et de Patrick. Pendant 36 ans, Balkany a été un pion majeur dans la stratégie politique LR, un pilier de la droite dans les Hauts-de-Seine. Et les Hauts-de-Seine ont été un vivier pour l’UDF, le RPR, le PR, et autres LR. Mais dans ce dossier, LR est d’une discrétion de violette. Il y a d’ailleurs comme une entente de la classe politique mainstreampour ne pas mêler LR au cas Balkany. Pourquoi ? Sans doute parce que ce serait « faire le jeu des populistes »…
Francis Bergeron – Présent