Tous les journaux du plat pays, ou presque, se sont doctement posé la question : qui sera le Macron belge ? En d’autres termes, à décrypter le langage médiatique, quel jeune homme fringant, à défaut de briller par la force et l’audace de ses idées, émergera du lisier programmatique commun dans lequel se fondent désormais les partis traditionnels ?
Au casting du concours de beauté post-idéologique et post-national, les postulants se bousculent au portillon de la start-up menant au pouvoir : le socialiste Paul Magnette, l’écologiste Jean-Michel Javaux, le libéral Georges-Louis Bouchez ou encore le démocrate humaniste Benoît Lutgen, émargeant tous aux partis usés par l’exercice du pouvoir, espèrent être celui-là.
Le Premier ministre belge Charles Michel avait pris les devants en rencontrant Emmanuel Macron, peu avant le scrutin présidentiel, en compagnie du Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, au domicile de… Stéphane Bern. Michel, qui avait autrefois déclaré avoir échangé des regards enflammés avec… Carla Bruni – c’était au temps, désormais lointain, de Sarkozy -, abreuve aujourd’hui d’éloges Emmanuel Macron en concluant sur leur hypothétique proximité : « J’ai directement senti que nous étions de la même génération. »
Le succès d’En Marche ! suscite les mêmes convoitises.
Défi, parti descendant du FDF qui défendait les francophones de Bruxelles et de sa périphérie depuis 1964 et transformé en coupole bien-pensante en capilotade, voit volontiers un cousinage avec la formation d’Emmanuel Macron. Le CDH, héritier en décrépitude du Parti social-chrétien et désormais ouvert à toutes les religions – comprenez l’islam -, trace un parallèle entre son centrisme mou et la synthèse sociale-libérale du nouveau Président français.
Mieux : des négociations, ébruitées par des médias enthousiastes, auraient actuellement lieu entre coryphées des partis traditionnels, représentants de la société civile, journalistes influents et monde financier pour créer un ersatz belge d’En Marche !
Avant le premier tour de la présidentielle française, le MR, parti de la droite gouvernementale, avait, dans sa grande majorité, déjà appelé à voter Macron, tandis que les formations de gauche se partageaient entre Macron, Hamon et Mélenchon. À l’approche du deuxième, tous se sont rassemblés derrière le candidat d’En Marche !, au nom de l’Europe, de la démocratie, de la société ouverte et de la lutte en front commun contre le diable frontiste.
À l’ère où le vide se cherche, en Belgique comme en France, des hérauts pour se maintenir au pouvoir, me reviennent en mémoire cet aphorisme de Léon Bloy dans Le Désespéré, son chef-d’-œuvre, avec dans le rôle de Dulaurier le prophète Macron :
« Il faut penser à l’incroyable anémie des âmes modernes dans les classes dites élevées — les seules âmes qui intéressent Dulaurier et dont il ambitionne le suffrage —, pour bien comprendre l’eucharistique succès de cet évangéliste du Rien. »
Gregory Vanden Bruel – Boulevard Voltaire