Nos aïeux ne l’ignoraient pas, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs plats, style bouillon d’onze heures pour ceux qu’on veut abattre. Voici trois décennies, invité le 13 septembre 1987 du « Grand Jury RTL-Le Monde », Jean-Marie Le Pen cuisiné sur les chambres à gaz homicides finissait par déclarer : « Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale qui a fait cinquante millions de morts. » Il déclenchait ainsi un invraisemblable hourvari – toujours pas éteint – et une cascade de procès à son encontre, ce qui ne l’empêcha toutefois pas de créer la surprise au premier tour de la présidentielle de 1988 en obtenant 4 377 000 voix, soit 14,39 % des suffrages. Résultat très supérieur à ce que lui accordaient les sondages.
Vél’ d’Hiv’ : lève-toi, orage provoqué !
9 avril 2017 : comparution de Marine Le Pen devant le même « Grand Jury de RTL », renforcé par LCI et où Le Figaro a succédé au Monde. Elle aussi dûment cuisinée – sur la déclaration de Jacques Chirac affirmant solennellement en juillet 1995 que l’Etat français avait « secondé la folie criminelle de l’occupant », la candidate réplique que « la France n’est pas responsable du Vél’ d’Hiv’ » car « s’il y a des responsables, ce sont ceux qui étaient au pouvoir à l’époque, ce n’est pas LA France » (voir Présent du 12 avril). Et d’expliciter, à juste titre : « La France a été malmenée dans les esprits depuis des années. En réalité, on a appris à nos enfants qu’ils avaient toutes les raisons de la critiquer, de n’en voir que les aspects historiques les plus sombres. Donc, je veux qu’ils soient à nouveau fiers d’être Français. »
Marine Le Pen a beau n’avoir pas repris à son compte les rappels de Maxime Sternberg sur « Le paradoxe français dans la solution finale à l’Ouest » (volume 48 de la prestigieuse revue historique Les Annales paru en 1993), et d’Eric Zemmour soulignant dans Le Suicide français que, de tous les pays européens occupés, le nôtre est celui qui, grâce aux efforts du couple Pétain-Laval, connut le taux de déportation le plus faible, trois fois inférieur à celui des Pays-Bas, l’orage tant désiré se déchaîne : le gouvernement israélien, le CRIF et l’Union des étudiants juifs de France hurlent au « négationnisme », Emmanuel Macron condamne une « grave faute politique et historique » dans l’espoir de faire oublier son propre dérapage – fait en Algérie, de surcroît – sur « le crime contre l’humanité que fut la politique coloniale française » et Christian Estrosi en rajoute dans l’injure : « En niant la responsabilité de l’Etat français sur le Vél’ d’Hiv’, Marine Le Pen rejoint son père sur le banc de l’indignité et du négationnisme. »
Le ton est donné : afin de donner la prééminence à Macron, candidat de l’hyperclasse mondiale et donc des médias à ses ordres, on peut gager que le Vel’ d’Hiv’ sera le passage obligé de toutes les interviews accordées par Marine Le Pen, de tous les débats auxquels elle participera pendant la campagne. Et peu importe que, dans son communiqué du même 9 avril flétrissant à bon droit « l’instrumentalisation indigne » de ses propos, elle se soit placée sous le patronage de « Charles de Gaulle, François Mitterrand, ou encore de nos jours Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, ou Nicolas Dupont-Aignan » en considérant « que la France et la République étaient à Londres pendant l’occupation, et que le régime de Vichy n’était pas la France »… Même si, de De Gaulle à Mitterrand, les présidents successifs de la Ve République firent rituellement fleurir la tombe du Maréchal pour l’anniversaire de l’armistice de 1918.
Du bon usage des « images violentes »
Mais de Jean-Marie en Marine, la diabolisation perdure, comme l’on en eut une nouvelle preuve dès le lendemain.
Faire circuler des photos, si traumatisantes soient-elles, des dernières victimes du « régime abject » de Bachar el-Assad, responsable « sans aucun doute » de l’utilisation d’armes chimiques contre des civils, est un acte recommandable et hautement citoyen. Celui qui s’exprime ainsi au micro de Patrick Cohen sur France Inter le 11 avril n’est autre que le ministre des Affaires étrangères.
Jean-Marc Ayrault et celui qui l’interroge ont-ils donc oublié que cinq semaines plus tôt, Marine Le Pen a été déchue de son immunité par le Parlement européen, obéissant à une directive du parquet de Nanterre, pour avoir publié en 2015 sur son compte Twitter trois clichés de décapitations perpétrées par le groupe Etat islamique ? Ce qui justifie pour la justice française un procès pour « diffusion d’images violentes », délit punissable de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Même si, en commettant cet horrible forfait, la présidente du Front national répliquait ainsi à Jean-Jacques Bourdin, le gourou de RMC, qui, lors d’une de ses émissions, avait osé « revenir sur les liens entre Daech et le Front national » et « leur communauté d’esprit » poussant « au repli identitaire ». Comme s’il pouvait y avoir la moindre communauté, d’esprit ou pas, entre le Front bien plus souvent agressé qu’il n’est agresseur (voir les échauffourées de Bordeaux ou d’Ajaccio et les menaces de mort ayant conduit à l’annulation du meeting de Toulouse) et les égorgeurs inspirateurs des massacres de Paris, de Nice, de Berlin, de Londres et tout récemment de Stockholm et d’Egypte !
Ironie de l’histoire : les juges de Nanterre avaient voulu également obtenir la levée d’immunité parlementaire du député national Gilbert Collard, coupable d’avoir lui aussi tweeté les clichés litigieux, mais cette prétention avait été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale car non fondée en droit. Rien ne justifiait donc l’examen de leur demande par l’Europarlement, sinon la vicieuse guérilla menée contre le Front national par son président d’alors, le socialiste allemand Martin Schulz.
Les impôts des électeurs FN au service de la propagande anti-FN
C’est d’ailleurs le même Schulz qui avait fait financer par la Fondation européenne d’études progressistes dépendant de l’Europarlement la publication de Son vrai visage. Témoignage sur le FN au Parlement européen, un factum de l’apparatchik socialiste Pervenche Berès proposé au prix modique de 6 euros grâce à la générosité du mécène dont on admirera l’usage très sélectif des contributions des Etats membres, elles-mêmes abondées par les impôts des contribuables, toutes orientations confondues. Car c’est la première fois à notre connaissance que l’Europarlement puise dans ses réserves pour alimenter la propagande contre l’un des partis qui le composent.
Certes, la machine de guerre à six balles se révèle un pétard mouillé, la plupart des accusations portées contre le FN (dont les élus seraient trop présents et poseraient trop de questions !) et les citations retenues à charge par Mme Bérès, sur le multiculturalisme qui « sort l’Europe de l’Histoire », l’échec de « l’utopie multiculturelle », ou encore les « idéologies néfastes pour la femme et la famille, souvent sous la pression de lobbies en tout genre, comme les LGBTI », risquant moins de desservir le Front que de renforcer son socle. Mais l’intention de nuire est manifeste.
Au nom de l’égalité, les temps de parole des candidats doivent jusqu’au 7 mai être identiques dans les médias audiovisuels, sous le strict contrôle du CSA que préside Olivier Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon et oncle d’Astrid Rioust de Largentaye, épouse du ministre de l’Intérieur Mathias Fekl. Mais qui contrôlera, et interrompra si besoin est, les reportages et émissions d’information ou de variétés, truffés quant à eux d’attaques antilepénistes par le biais d’invités tous sortis, comme les journalistes eux-mêmes, du moule de la pensée unique ?