Tribune libre de Max Falque*
La question mérite d’être posée au moment où cette idéologie entend se présenter comme une nouvelle religion mêlant paganisme, socialisme et malthusianisme.
Nous pensons qu’il est bon de mettre à la disposition du lecteur francophone le résumé d’un récent et décapant ouvrage : “Little Green Lies – An Expose of Twelve Environmental Myths” du professeur australien Jeff Bennett*.
Chaque « petit mensonge » y fait l’objet d’un chapitre présentant les douze lieux communs et croyances, et leurs réfutations
Bien entendu, ces réflexions résumées méritent un examen critique et il n’est pas sûr que la vision anglo-saxonne soit transférable dans le contexte européen beaucoup plus favorable au rôle de l’État et des réglementations publiques. En tout cas, elles forment une excellente base pour un débat entre associations, politiques, think tanks, administrations, entreprises… bref un mini Grenelle de l’Environnement.
Proposition n°1 : Épuisement des ressources pétrolières (peak oil)
La production annuelle de pétrole, bien que croissante au cours du dernier siècle, demeure stable et sur le point de diminuer en raison d’une pénurie croissante. Notre dépendance au pétrole et la vitesse à laquelle nous le consommons exigent des mesures politiques pour sauvegarder ce qui reste.
Réponse : Personne ne connaît vraiment quelles sont les réserves disponibles. Au fur et à mesure que les réserves diminuent, l’augmentation du prix stimule l’exploration et les progrès technologiques accroîtront l’offre et les énergies de substitution… L’augmentation des prix contribuera à freiner la consommation et réorientera la demande en énergie vers de substituts.
Proposition n°2 : Les énergies renouvelables doivent être stimulées
Les énergies non renouvelables sont exploitées à un tel rythme que la pénurie est imminente. En outre, elles sont polluantes. Les énergies renouvelables doivent être stimulées afin d’assurer une offre d’énergie propre.
Réponse : Les sources d’énergies renouvelables ont un potentiel limité à court et moyen terme pour faire face à la demande. Choisir le « gagnant » que l’on doit stimuler a toute les chances d’être faux compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques.
Proposition n° 3 : Les choix de consommation doivent intégrer les caractéristiques environnementales de produits tels que « distance » (food miles), « empreinte écologique », « contenu énergétique », « eau virtuelle », et « empreinte carbone »
Les citoyens doivent être informés de leurs impacts sur l’énergie, la faune, la flore, l’eau , le climat etc. lorsqu’ils achètent des biens et des services afin qu’ils puissent réduire leur impact sur ces ressources. Chaque ressource est rare et de valeur. Nous devons les conserver, plus spécialement pour les générations futures.
Réponse : En mettant l’accent sur une seule ressource rare (eau, énergie…) lors de leurs décisions de consommation, les citoyens risquent d’ignorer leurs impacts sur d’autres ressources rares. Il en résulte une « fausse économie ». Lorsque les impacts sur de multiples ressources font l’objet d’un indice, les distorsions apparaissent. Les prix sont plus efficaces pour mettre en évidence la rareté.
Proposition 4 : La population mondiale devrait être limitée
A l’accroissement de la population correspond une pression plus forte sur les ressources limitées de la planète dont l’environnement. La seule façon de protéger l’environnement, supprimer les famines et assurer des ressources suffisantes aux générations futures implique de bloquer le la croissance démographique.
Réponse : L’homme est une ressource. Il a la possibilité de recourir à des technologies innovantes et des institutions pour faire face à la rareté croissante de certaines ressources. De nouvelles façons de satisfaire les besoins et de nouvelles sources de ressources rares peuvent être découvertes. Si l’on met en place une limitation, qui va être concerné ?
Proposition 5 : La croissance économique et l’échange sont défavorable pour l’environnement
La croissance économique, favorisée par l’échange international, signifie plus de pression sur des ressources rares, dont l’environnement. Afin de protéger l’environnement et sauvegarder des ressources pour les générations futures, l’échange doit être limité afin de réduire la croissance.
Réponse : L’échange et la croissance apportent la richesse aux hommes. La richesse accroît la demande pour la protection de l’environnement et permet à la société d’agir notamment par le recours au progrès technologique.
Proposition 6 : Aucun déchet ne devrait être mis en décharge.
Les déchets ne devraient pas être gaspillés. Ce sont des ressources qui peuvent être réutilisés et recyclées. Mettre en décharge implique que plus de ressources « vierges » devront être exploitées. En outre les déchets peuvent constituer des sources de pollution de l’air et de l’eau.
Réponse : Recycler et réutiliser le déchet est un processus qui utilise des ressources rares. Les politiques qui interdisent les décharges peuvent entraîner une consommation de ressources supérieures à celles que l’on se propose de conserver sans forcement limiter de nouvelles exploitations… Les décharges ne sont pas par nature des sources de pollution.
Proposition 7 : L’eau et l’énergie doivent être utilisée « efficacement », quel qu’en soit le coût.
Des ressources, telles l’eau et l’énergie sont rares. Leur utilisation doit être minimisée afin d’en assurer la disposition aux générations futures. Les pouvoirs publics doivent investir dans des technologies qui permettront un usage minimum pour la production de biens et services.
Réponse : Investir dans « l’efficacité » implique souvent l’utilisation d’autres ressources rares comme substitut à l’eau et l’énergie. Il en résulte une « fausse économie »parce que les autres ressources, y compris le travail et le capital, peuvent s’avérer plus rares que l’énergie et l’eau.
Proposition 8 : L’environnement a une valeur infinie et ne doit pas faire l’objet d’atteintes.
L’’environnement nous offre un système de support de la vie. En son absence, nous ne pouvons pas survivre et, par conséquent, nous devons le protéger à tout prix.
Réponse : Sans l’environnement, nous n’existerions pas et, à ce titre, c’est sa valeur qui est infinie. Cependant, cette question n’est pas pertinente au regard de la politique. Les modifications environnementales apportent des coûts et bénéfices limités dont l’arbitrage relève de la décision politique.
Proposition 9 : Nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter un changement climatique global.
Le changement climatique anthropique est une sérieuse menace pour d’accueillir l’humanité et les écosystèmes. Les dommages liés au changement climatique seront si importants que les émissions de GES doivent être limitées maintenant.
Réponse : Réduire les émissions de GES serait coûteux. Les décisions concernant la charge de ces coûts devrait être prise en fonction des bénéfices attendus par la réduction des émissions. Réduire les émissions de GES n’élimine pas le risque de changement climatique.
Proposition 10 : Prendre soin de l’environnement ne peut être confié au secteur privé.
L’environnement produit des « biens publics » qui doivent être fournis à tous gratuitement. Ceci signifie que les pouvoirs publics doivent être responsables de prendre soin de l’environnement. Le secteur privé le détruira ou essaiera d’en tirer profit.
Réponse : Le secteur public sera confronté au problème de gestion de l’environnement. Réunir les informations pour une prise de décision efficace est coûteux. Les motivations des politiciens et des bureaucrates peuvent entrer en conflit avec l’intérêt public bien compris. Les solutions privées peuvent être moins coûteuses et plus conformes aux aspirations de la communauté.
Propositions 11 : L’agriculture et l’extraction minière sont toujours en conflit avec l’environnement.
L’agriculture et les mines sont des activités d’extraction qui diminuent notre stock de ressource naturelles, souvent de façon irréversible. Elles entraînent aussi des dégradations environnementales dont l’érosion des sols, la perte de biodiversité et une contamination de l’air de l’eau et du patrimoine génétique.
Réponse : Bien qu’il convienne de procéder à quelques arbitrages entre l’agriculture, l’extraction minière et l’environnement, les problèmes peuvent être limité par le recours au technologies et au management. Les mesures de compensations peuvent maintenir voire améliorer les conditions environnementales.
Proposition 12 : Les décisions concernant le futur de l’environnement doivent être prises en se référant au « principe de précaution »
S’il existe un risque qu’une action porte atteinte à l’environnement, le principe de précaution exige que les responsables réglementent contre ce risque et déplacent la charge de la preuve d’absence de dommage sur ceux qui ont proposé cette action.
Réponse : Il existe toujours un risque d’atteinte à l’environnement résultant de l’action de l’homme. Démontrer qu’il n’existe pas de risque est impossible. Il existe aussi une incertitude liée à l’absence d’action qu’ignore le principe de précaution.
Conclusion
Bien entendu ces propos résument une argumentation détaillée dans chacun des chapitres correspondants et n’ont pour but que de substituer le débat à la polémique. Ils peuvent ouvrir aussi la voie à des politiques environnementales plus efficaces, moins coûteuses et plus favorables à l’initiative et à la liberté individuelle.
En effet si l’on assiste aujourd’hui à un recul des thèses écologistes, il est à craindre que la crise économique entraîne un brutal rejet par l’opinion, et donc à terme par les responsables politiques, des justes et nécessaires préoccupations de protection et de gestion des ressources environnementales. Jeter le bébé avec l’eau du bain constitue un risque majeur si nous n’ouvrons pas de perspectives raisonnables.
* Max Falque est délégué général de l’ICREI (International center for research on environmental Issues).
* Jeff Bennett est professeur de management environnemental à la Crawford School of Economics and Government à la Australian National University. Il sera présent à Aix en Provence pour participer à la IXème conférence bi-annuelle de l’ICREI, organisée les 21,22 et 23 juin prochains avec pour thème : “Ressources agricoles et forestières”.
Cet article est publié en partenariat avec l’Institut Turgot.
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