« Annuntio vobis gaudium magnum: habemus papam ». Puis c’est l’effervescence, l’excitation, des cris de joies sur la place Saint-Pierre où sont rassemblés des milliers de personnes dans une ambiance très festive. Vient ensuite la surprise et la stupéfaction dans la foule lorsque le cardinal Jean-Louis Tauran, depuis la loggia centrale de la basilique vaticane, annonce le nom du cardinal élu : « Cardinalem Bergoglio ». « Qui est-ce ? », s’interrogent très simplement les gens visiblement pris de court. Jorge Mario Bergoglio n’avait pas son nom dans la courte liste des « papabili », il a déjoué les pronostics des fidèles, des spécialistes et de la presse. C’est sûr, les critères dans l’Église ne sont pas ceux du monde. Et la surprise ne s’arrête pas là, car le nouveau pape choisit de prendre un nom encore jamais porté par ses prédécesseurs : Franciscum. C’est le prénom de Saint François d’Assises, un homme riche qui se fait pauvre, solidaire des plus démunis et des marginalisés, dénonçant les injustices. Celui qui dans un rêve voit l’Eglise s’effondrer, et à qui Jésus dit : « François, ma maison tombe en ruines et s’écroule. Va et reconstruis-là ».
En choisissant son nom, le pape François annonce donc son programme : reconstruire le visage de l’Église entaché par de nombreux scandales. Autre mission : évangéliser par la simplicité et l’humilité. Et c’est ainsi qu’il est apparu mercredi soir à la loggia de la basilique Saint-Pierre, très simplement : sans mozette rouge ni croix pectorale dorée, en se présentant comme « l’évêque de Rome ». Avec une attention toute particulière pour son prédécesseur : « Avant tout je voudrais faire une prière pour notre évêque émérite Benoît XVI, prions ensemble pour que le Seigneur le bénisse et que la Madone le protège ». Après la récitation du Notre Père et de l’Ave Maria, le nouveau Souverain Pontife a souhaité un monde de « fraternité », d’ « amour » et de « confiance » : « Prions pour le monde entier, qu’il y ait une grande fraternité, je vous souhaite que ce chemin de l’ Église que nous commençons aujourd’hui soit pour l’évangélisation de la Ville ». « Maintenant, a-t-il poursuivit, je voudrais vous donner la bénédiction mais avant je vous demande une faveur, que vous priiez, que vous donniez la bénédiction à votre évêque ». Et en s’inclinant, dans un silence chargé d’émotion, le pape François demande à la foule de prier pour lui, avant qu’à son tour il ne donne sa bénédiction à l’Église et au monde.
Les cardinaux sont allés prendre l’évêque de Rome au bout du monde, ils ont élu le premier pape sud-américain dans l’histoire de l’Église, mais aussi le premier jésuite. Jorge Mario Bergoglio, 76 ans, ingénieur chimiste de formation, était jusqu’à son élection l’archevêque de Buenos Aires, la capitale argentine dont il est originaire. Il est connu pour sa grande simplicité de vie, voyageant en bus ou en métro, et passant ses week-ends dans les paroisses défavorisées, au contact des prêtres des bidonvilles. Considéré comme l’évêque des pauvres, il a toujours lié sa carrière ecclésiastique à l’expérience de la réalité sociale de son pays, renonçant notamment à son palais pontifical pour s’installer dans un petit appartement proche de la cathédrale. Prêtre depuis 1969, promu évêque en 1992, Bergoglio est créé cardinal en 2001 par Jean-Paul II. Et son nom était déjà beaucoup cité en 2005 lors du précédent conclave.
Désormais 265ème successeur de Pierre, le pape François a commencé sa première journée de pontificat par une prière à la Vierge, en la basilique Saint-Marie-Majeure, « pour qu’elle protège la ville de Rome », avait-il annoncé la veille dans sa toute première allocution. Sa messe d’installation aura lieu à la basilique Saint-Pierre, le 19 mars prochain, jour de la Saint Joseph, patron de l’Église catholique.
*Charles Le Bourgeois est journaliste et correspondant à Rome des Nouvelles de France
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