Dieu en automne

À travers la vie d’un jeune prêtre de 20 ans, Christophe Langlois revient, dans son premier roman “Dieu en automne” (éditions du Cerf), sur une des pages les plus terribles de la Révolution française.

Notre époque aime à citer cette fameuse phrase de Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Pourtant, si cette phrase semble plaire à nos contemporains, elle correspond aussi parfaitement à cette fin d’été 1792 et aux massacres de septembre.

C’est cet événement dramatique qu’a choisi de raconter Christophe Langlois dans ce livre. À cette date, la monarchie est déjà tombée le 10 août mais la république n’est pas encore proclamée. La France est dans un de ces moments d’accélération de l’Histoire,  dans un entre-deux au cours duquel la vie des hommes semble fragile. C’est dans ce jeu d’ombres et de lumières que commence le massacre des prisons dont Danton porte la responsabilité. Sur le tribun jacobin, l’auteur écrit ces mots puissants à la hauteur de sa voix d’orateur  exceptionnel : « Danton venait. Son visage charrué depuis l’enfance par deux taureaux, un troupeau de porcs et un pourpre apparaissait comme l’irruption du réel dans un monde endormi. » Un style intense et affirmé qui entraîne le lecteur vers le drame inéluctable, même s’il est parfois altéré par un rythme trop haché.

Une foi qui s’affermit devant l’horreur

Si de multiples sauts chronologiques perturbent parfois la compréhension, Dieu en automne est un roman chrétien émouvant et lumineux qui nous plonge dans les ténèbres de l’histoire. Le héros, l’abbé Gabriel Fougère, est un jeune prêtre qui refuse de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Ce choix l’oppose à son meilleur ami porté, lui au contraire, vers les idées nouvelles. Comme d’autres, son ami voit dans la Révolution l’opportunité d’une purification de l’Église. Au travers de la vie de ce prêtre de 20 ans, l’auteur arrache le voile du mystère de la pureté d’une foi absolu ; une foi confrontée à la haine dans laquelle l’Amour semble disparu ; une foi qui s’affermit pas l’acceptation des horreurs du monde. Et, par le destin tragique de cet homme, c’est la fracture d’une époque qui nous est là révélée.

La haine de la religion amène Gabriel et de nombreux prêtres qui refusent le serment comme lui dans l’Église des Carmes, transformée en prison par les révolutionnaires. Celle-ci s’apprête à devenir un charnier où tout espoir semble s’éteindre. Dans Le journal d’un curé de campagne, Bernanos écrivait : « L’ancien monde, lui, aurait pu durer peut-être. Durer longtemps. Il était fait pour ça. Il était terriblement lourd, il tenait d’un poids énorme à la terre. Il avait pris son parti de l’injustice. Au lieu de ruser avec elle, il l’avait acceptée d’un bloc, tout d’une pièce, il en avait fait une constitution comme les autres ». L’abbé Fougère porte lui aussi cet ancien monde conscient des menaces que va transporter le nouveau. Ce monde qui s’éveille douloureusement dans lequel se trouveront les germes des crimes politiques et d’un anticléricalisme parfois criminel que charrieront les siècles suivants.

Un roman émotionnel

Les lecteurs du bouleversant livre La baraque des prêtres de Guillaume Zeller (Tallandier) sur la déportation des hommes d’Église, dans le camp de concentration de Dachau, retrouveront d’effroyables similitudes entre ces deux époques au cours desquelles l’Église connut d’innombrables martyrs. Qu’on ne pense toutefois pas rencontrer, à la lecture du livre de Christophe Langlois, un brûlot anti-révolutionnaire. L’auteur ne condamne pas les hommes qui firent la Révolution pour autant et n’alimente pas sa légende noire non plus. Ce roman n’est pas politique, il est essentiellement émotionnel. Cette émotion atteint son paroxysme dans sa bouleversante dernière partie quand la prison de ces prêtres devient leur calvaire par les humiliations et la brutale exécution qu’ils subissent et qui les rapprochent alors du Christ auquel ils avaient consacré leur vie.

Dieu en automne de Christophe Langlois. Éditions du Cerf, 2017, 24 euros.

 

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