Charlie et la mondialisation!

Quel accueil pour Charlie Hebdo dans le monde?

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Londres entre soutien et volonté de ne pas heurter

Au Royaume-Uni, les réactions à la publication de la dernière édition de Charlie Hebdo sont tiraillées entre le soutien à la rédaction décimée et à la liberté d’expression d’un côté et, de l’autre, la volonté de ne pas heurter la sensibilité de la communauté musulmane. Le Muslim Council of Britain appelle, dans une lettre signée par des dizaines d’imams, à la modération. «La plupart des musulmans vont inévitablement être blessés, offensés et dérangés par la publication des caricatures», estiment-il, tout en appelant à des réactions de «tolérance», de «patience» et de «compassion». Certains journaux dont le Guardian, The Independent et The Times ont imprimé une image de la une de Charlie Hebdo, le Financial Times montre prudemment une photo du dessinateur Luz tenant cette une, «pour sa valeur d’information». Le prêcheur islamiste britannique Anjem Choudary qualifie la caricature de Mahomet d’ «acte de guerre punissable de la peine capitale dans la loi de la charia» et menace de «représailles inévitables». Cela n’a pas découragé Ila Aghera, propriétaire d’une maison de la presse de Charlton Kings, un petit village de l’Ouest de l’Angleterre, de commander cent exemplaires du nouveau Charlie. Elle croule sous les demandes de réservations de clients. Le journal sera vendu au Royaume-Uni à partir de vendredi par certains distributeurs. D’autres, dont WH Smiths, refusent de le distribuer.
La presse allemande salue «le journal de la survie»

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En Allemagne, 10.500 exemplaires de Charlie Hebdo seront disponibles en français à partir de samedi. Le journal satirique sera aussi disponible dans une traduction allemande. Mais, comme en France, il devrait être rapidement épuisé. Mercredi matin, beaucoup de journaux reproduisaient la une de Charlie Hebdo, par exemple en pleine page de der pour Bild, le quotidien le plus lu du pays.
Sur internet, Der Spiegel parle du «journal de la survie» pour cette nouvelle édition de Charlie Hebdo. Pour le quotidien économique, il s’agit plutôt «du combattant». Pour Die Welt, le journal a fait valoir «son droit au blasphème». Contrairement à d’autres médias en Europe, les journaux allemands ont quasiment tous reproduits, depuis une semaine, les dessins de Charlie Hebdo au nom de la défense de la liberté d’expression. Le Hamburger Morgenpost, qui avait titré «autant de liberté doit pouvoir exister», a sans douté été visé pour cette raison par une tentative d’incendie. Les auteurs n’ont pas encore été arrêtés.
Dans le quotidien Süddeutsche Zeitung, c’est en page intérieure qu’on trouve la reproduction de la une figurant Mahomet en train de pleurer, sous le titre: «Le fossé». Le journal s’intéresse à la fracture au sein des sociétés européennes entre une partie des musulmans et la majorité de la population.
Charlie Hebdo publié en français en Italie

B7SQuVTCYAAv23l-1.jpg-smallEn moins de deux heures, l’édition spéciale du Fatto Quotidiano, l’unique journal italien ayant choisi d’encarter Charlie Hebdo dans ses pages ce mercredi, a été épuisée. Ce quotidien politique qui tire normalement à 120.000/130.000 exemplaires a doublé sa diffusion ordinaire pour offrir à ses lecteurs le supplément de seize pages, en français, du journal dirigé désormais par Gérard Biard. Précédé d’un avis: «Supplément obligatoire et gratuit». «Quand nous avons appelé vendredi la rédaction de Paris, nous nous sommes entendus répondre: un grand merci. Vous êtes le seul journal italien à nous l’avoir demandé», explique le directeur du Fatto Quotidiano Antonio Padellaro. Il ajoute: «Luz nous a dit qu’il avait pleuré en dessinant Mahomet qui pleure. Alors nous aussi nous avons pleuré. Parce que nous sommes cinglés. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui Charlie Hebdo». L’encart sera également publié dans les éditions de jeudi et de vendredi du quotidien. Toujours gratuitement. L’édition spéciale est largement reprise et commentée dans les autres quotidiens italiens, qui publient de nombreuses caricatures. La Repubblica publie un commentaire sur «la vocation minoritaire des caricaturistes devenus héros».
Ruée sur Charlie à Bruxelles

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20.000 exemplaires pour un pays qui partage avec la France une langue, beaucoup d’émotions et un solide sens de la dérision, c’est peu. En Belgique, l’édition historique de Charlie Hebdo a disparu des kiosques à la première heure. Et même en Flandre, les éditions web des journaux comme De Standaard traquent l’arrivée promise de camions chargés de «plusieurs milliers» de copies supplémentaires.
La Belgique devait recevoir 30.000 copies, mais il en manque 10.000 qui ne seront en vente que demain jeudi. Les distributeurs privilégient Bruxelles et la région francophone de Wallonie. Une seconde commande a été lancée pour 60.000 exemplaires de plus. «Nous pourrions facilement en écouler 500.000 ou 600.000 et nous faisons malheureusement beaucoup de déçus», dit Tom Vermersch, directeur d’AMP, au Standaard, le grand quotidien flamand. Les ventes de journaux français en Belgique ont triplé depuis les attentats de Paris et la presse belge a augmenté son tirage de 30 %, d’après l’AMP.

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La loi russe rappelée aux rédactions

L’organisme de contrôle des médias russes, Roskomnadzor, a demandé aux médias nationaux de s’abstenir de publier des caricatures religieuses, afin de ne pas provoquer des «tensions interreligieuses dans la société russe». «En lien avec la tragédie française, Roskomnadzor a conduit un travail prophylactique avec les médias fédéraux et nationaux. La loi russe qui interdit d’utiliser les médias aux fins d’activités extrémistes a été rappelée aux rédactions» explique cet organisme qui appelle ces derniers à «exprimer leur solidarité sous d’autres formes». Malgré ces recommandations, la une de Charlie Hebdo était néanmoins largement visible sur Internet. Le site Gazeta Ru a salué «le numéro des survivants». En revanche, le quotidien Kommersant, considéré «de référence», ne publie, mercredi, aucun article sur l’histoire du nouveau numéro de Charlie Hebdo. Auparavant, dans la lointaine péninsule du Kamchatka (extrême orient), la branche régionale de Roskomnadzor avait distribué une lettre aux médias régionaux les enjoignant de ne pas «publier la moindre caricature relative à une figure religieuse». Cette information a provoqué une polémique au sein des rares médias libéraux.
Ce numéro de Charlie Hebdo «perpétue l’attitude irrévérente pour laquelle il est connu» selon la presse israélienne

Les journaux israéliens décrivent par le menu, sans vraiment prendre position sur le fond, l’édition spéciale de Charlie Hebdo parue ce mercredi. «Ce numéro perpétue l’attitude irrévérente, et parfois offensante, pour laquelle le journal est bien connu en France», relève le site d’information Ynet, qui s’attarde sur quelques caricatures et détaille: «L’une montre une célèbre religieuse en train de pratiquer une fellation, une autre représente un Musulman, un Chrétien et un Juif qui se partagent le monde». Le quotidien Israel Hayom, proche du premier ministre Benyamin Nétanyahou, relève que la caricature de Mahomet publiée en première page a aussitôt déclenché de vigoureuses condamnations dans plusieurs pays arabes. «Les milieux islamistes ont prévenu que la diffusion du journal risque de provoquer de nouveaux attentats», souligne le journal, qui a choisi de mettre cette menace en exergue à sa une. Le site du quotidien de centre gauche Haaretz, visiblement «bluffé», souligne pour sa part que le numéro s’est arraché sitôt mis en kiosque, tout en s’inquiétant les accusations de «racisme» formulées par un dignitaire religieux égyptien après la diffusion de sa couverture.
En Égypte, le mufti craint que le nouveau Charlie attise la haine

Au Caire, le grand mufti n’a pas attendu la sortie du nouveau Charlie Hebdo pour réagir. Dès mardi, alors que la une du premier numéro post-attentat inondait déjà les réseaux sociaux, Chaouki Allam s’est élevé contre un «acte raciste qui va accentuer les tensions et la haine en France et dans le monde». La semaine passée, cette personnalité influente du monde arabo-musulman avait fermement condamné l’assassinat des dessinateurs et collaborateurs de l’hebdomadaire satirique français. Une réaction partagée par le pouvoir – le président Sissi a appelé en personne François Hollande – et par une partie de la rue: quelques dizaines de personnes ont levé, dimanche, leur stylo lors des marches du syndicat de la presse en hommage aux journalistes assassinés et en soutien à la liberté d’expression. Mais en Egypte, comme dans les autres pays du Proche-Orient, on ne badine pas avec le Prophète. Nombreux sont les citoyens qui, à l’instar du mufti, voient dans cette nouvelle caricature de Mahomet une forme de provocation inutile, comme celles qui avaient enflammé la rue arabe en 2005. «Tuer des journalistes est inacceptable. Je comprends la tristesse des Français. Mais insulter le prophète, ça, je ne peux l’accepter. Chez nous, Mahomet, c’est sacré. On n’y touche pas», estime Nadia, une institutrice.
Une nouvelle démonstration de défiance, selon la presse officielle chinoise

Pékin, qui n’a pas mâché ses critiques visant les «excès» de la liberté d’expression en France après les attentats de la semaine passée à Paris, n’a pas encore réagit officiellement au dernier numéro de Charlie Hebdo. Cependant, des universitaires proches du gouvernement chinois dénoncent une nouvelle provocation envers l’Islam, alors que le web de la République populaire est partagé entre condamnation et hommage au courage de l’hebdomadaire satirique.
Le quotidien officiel, Global Times, juge que la dernière couverture de Charlie Hebdo, montrant le Prophète est «une nouvelle démonstration de défiance». Signalant que le gouvernement n’a pas encore réagit officiellement, le journal cite Zhao Lei, professeur de relations internationales à l’Ecole du Comité Central du Parti Communiste Chinois, pour lequel l’édition post-attentat de Charlie Hebdo démontre «un sens de supériorité profondément enraciné parmi les nations européennes».
Sur Weibo, le Twitter chinois, certains comme Maineimu saluent le «courage de Charlie Hebdo». D’autres sont incrédules. Telle Rosiafrance, qui s’étonne: «Est-ce vrai que tout est pardonné?». «Cela montre que Charlie a reculé. L’esprit de Charlie est déjà mort», estime encore François Shushu (Oncle François). D’autres, comme Zhang Jiteng, dénoncent une nouvelle provocation. «Je ne comprends pas le sens de la couverture du nouveau Charlie Hebdo : le Prophète est-il du même côté que Charlie? Ce comportement va irriter les terroristes et les inciter à des actes encore plus fous», juge-t-il.
L’ensemble des médias chinois a condamné les attentats qui ont fait 17 morts en France. Cependant, nombre de médias officiels ont aussi critiqué les dérives de la liberté d’expression. Ainsi, l’agence officielle Chine nouvelle a jugé lundi que le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo «ne devrait pas être réduit à une attaque contre la liberté d’expression, car la liberté elle-même a ses limites». Le Global Times a quant à lui dénoncé la montée du «choc des civilisations» en France.
La presse chinoise est strictement contrôlée par les autorités communistes, qui ont récemment emprisonné des dizaines de journalistes, avocats, universitaires ou internautes, muselant toute voix critique dans un mouvement sans précédent depuis des années. Jeudi soir, les forces de police ont perturbé un hommage, à Pékin, du Club des correspondants étrangers en Chine (FCCC), aux caricaturistes de presse assassinés en France.

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L’Union mondiale des oulémas, au Qatar, a déclaré : « Il n’est ni raisonnable, ni logique, ni sage de publier les dessins et les films offensant le Prophète ou attaquant l’islam. »
« Si on est d’accord que [les auteurs d’attentat] sont une minorité qui ne représente ni l’islam ni les musulmans, alors comment peut-on y répondre par des actes qui ne sont pas dirigés contre eux, mais contre le prophète vénéré par un milliard et demi de musulmans ? », a encore interrogé l’organisme, présidé par le prédicateur qatari d’origine égyptienne Youssef Al-Qaradaoui, considéré comme l’éminence grise des Frères musulmans.

Le Sénégal interdit la diffusion de Charlie Hebdo et Libération. La diffusion et la distribution au Sénégal du nouveau numéro ont été interdites « par tout moyen » et « sur tout le territoire », ainsi que celles du quotidien Libération qui a aussi publié la caricature du prophète Mahomet en « une ».

L‘Iran, rappelant qu’il « dénonce le terrorisme partout dans le monde », a dénoncé le « geste insultant » du magazine satirique par la voix de Marzieh Afkham, porte-parole de la diplomatie iranienne. Le dessin « porte atteinte aux sentiments des musulmans » et « il peut relancer un cercle vicieux de terrorisme », selon cette dernière. Et d’ajouter : « L’abus de la liberté d’expression, qui est répandu actuellement en Occident, n’est pas acceptable et doit être empêché. »

Le ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, interrogé à Genève, a également appelé au « respect » mutuel. Un dignitaire chiite conservateur, le grand ayatollah Nasser Makarem-Shirazi, a pour sa part déclaré que les nouveaux dessins du prophète constituaient « une déclaration de guerre à tous les musulmans ».

En réponse à une question au sujet des dessins du journal français, le patriarche des coptes orthodoxes d’Egypte, Tawadros II, a affirmé « refuser l’insulte à n’importe quel niveau ».
« L’insulte sur le plan personnel entre les hommes est refusée, et quand elle concerne les religions, ce n’est ni humain, ni moral, ni socialement [acceptable] et cela ne contribue absolument pas à la paix mondiale. »
Mardi, c’est Al-Azhar, l’une des plus importantes institutions de l’islam sunnite, qui avait appelé à « ignorer » ces nouveaux dessins représentant le prophète Mahomet, qualifiés de « frivolité haineuse ». Le grand mufti d’Egypte, Chaouki Allam, avait lui dénoncé « une provocation injustifiée à l’encontre des sentiments des musulmans du monde entier ».

Le mufti de Jérusalem, plus haute autorité religieuse dans les Territoires palestiniens, a dénoncé mercredi comme une « insulte » aux musulmans les nouveaux dessins représentant le prophète Mahomet dans Charlie Hebdo, tout en rejetant le recours à la violence.
« Cette insulte a blessé les sentiments de près de 2 milliards de musulmans dans le monde », a déclaré le grand mufti Mohammad Hussein.
Une caricature qui favorise le terrorisme selon le Hezbollah

Pour le mouvement chiite libanais Hezbollah, qui avait condamné l’attentat contre Charlie Hebdo, cett nouvelle caricature de Mahomet « contribue directement à aider le terrorisme, l’extrémisme et les fondamentalistes ». La formation islamiste écrit dans un communiqué :
« Ce que le magazine français a réitéré heurte fortement les sentiments de plus d’1,5 milliard de musulmans à travers le monde et tous ceux qui appartiennent aux religions monothéistes. »

En Turquie, un seul journal prend le risque de publier les caricatures. Quatre pages qui ont fait beaucoup de bruit. Cumhuriyet (« La République ») a pris le risque de reproduire en Turquie, république laïque à majorité musulmane, les caricatures du prophète musulman publiées mercredi dans Charlie Hebdo.  La direction dit avoir longtemps hésité avant de braver l’interdit. Le rédacteur en chef du quotidien, Utku Cakirözer, a précisé à l’Agence France-presse:  « Nous avons publié ce supplément par solidarité avec “Charlie” et pour défendre la liberté d’expression (…), mais nous avons respecté la sensibilité religieuse de la société turque. »
Dans la nuit, la police a perquisitionné l’imprimerie du journal, à Istanbul, afin d’examiner son contenu avant de donner, après un coup de fil à un procureur, son accord à sa distribution. Des policiers ont été déployés autour du siège de Cumhuriyet, à Istanbul, et de sa rédaction d’Ankara.
Par ailleurs, la justice turque a interdit mercredi la diffusion sur Internet de la caricature du prophète Mahomet. « La liberté d’expression n’autorise personne à dire tout ce qu’il veut », a argumenté le tribunal de Diyarbakir, dans le sud-est, « les mots, écrits, dessins et publications qui dénigrent les valeurs religieuses et le prophète constituent une insulte pour les croyant”. Tous les sites publiant ces caricatures viennent d’être bloqués.

« Insolence, ignorance et bêtise » pour l’Organisation de la coopération islamique
Le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), le Saoudien Iyad Ameen Madani, voit dans les nouveaux dessins de Charlie Hebdo « insolence, ignorance et bêtise ». « La liberté d’expression ne doit pas justifier un discours de haine qui insulte les croyances de l’autre. Aucune personne sensée, quelles que soient ses convictions, sa religion ou sa foi, n’accepte qu’on ridiculise ses croyances », a lancé le président de l’organisation intergouvernementale lors d’une visite en Irak.

Plusieurs centaines de manifestants contre la caricature en Mauritanie
« Tout sauf le Prophète », « Je ne suis pas Charlie Hebdo », « Non à l’insulte à notre croyance », pouvait-on lire sur les pancartes et banderoles portées par les manifestants. Une marche organisée à l’appel d’activistes sur les réseaux sociaux a rassemblé plusieurs centaines de personnes dans le centre de Nouakchott, la capitale du pays, aux environs de l’ambassade de France. La manifestation de mercredi est « la préparation d’un gigantesque mouvement de foule prévu vendredi », jour où de nombreux fidèles musulmans vont prier dans les mosquées, ont affirmé les organisateurs.
La Mauritanie est une République islamique où la charia est en vigueur. Le 24 décembre, un blogueur mauritanien de 29 ans, avait été condamné à mort « pour avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet » dans un article.

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