Selon les observateurs…

Par Charles Chaleyat

En tant que préhistorien, je suis à la recherche des hommes anciens, plus précisément de leurs vestiges et si le métier demande de longues journées, j’y ai réussi comme d’autres collègues. Par contre, il est une espèce d’homo sapiens que je n’ai jamais réussi à identifier malgré leur omniprésence : ce sont ces fameux «observateurs » dont l’opinion apparaît régulièrement au coin d’un article de la presse habituelle. Dans ma jeunesse, c’était la radio familiale qui évoquait ces mystérieux « observateurs », parfois aussi appelés « commentateurs », et, par jeu, je les imaginais postés au bord des nuages (les balcons du ciel de Baudelaire) à surveiller le monde ou la France avec de grosses jumelles ultra précises afin de bien observer TOUT ce qui se passait plus bas. Très naturellement, je me posais aussi la question « Qui sont ces observateurs ? Comment font-ils pour « savoir » là, où, apparemment, les Français pataugent ?».

Dans la vie politique, ils ont un poids non négligeable puisque le journaleux qui les citent (et même les invoquent) conduit puis conclut son article en s’appuyant sur leur verdict. De plus, ils sont le plus souvent unanimes dans le jugement positif ou négatif qu’ils nous assènent. Jamais n’apparaissent en leur sein des groupes dissidents ou différents : ils communient, régulièrement, et en général, autour des mêmes sujets, des mêmes politiques, des mêmes têtes d’affiche. Cette unanimité devient alors une quasi vérité que vous êtes  obligé d’adopter du fait même de cet indéniable et inattaquable consensus. Il est ainsi avéré que Marine le Pen ne saurait gagner la Présidentielle de 2017 comme il fut évident que jamais Trump ne gagnerait…

Je n’ai jamais eu bien sûr de réponse puisque ces observateurs n’existent pas, sauf comme référence pour avancer ou appuyer telle ou telle opinion ou remarque, conforter telle position ou faire avancer tel projet. Ainsi entendit-on souvent en début d’année 1958, ces « observateurs » parler du retour du général De Gaulle. Il est évident que quelque chose se préparait autour de lui et dans un système qui peinait avec la guerre d’Algérie, l’on testait et préparait l’opinion…

Les « observateurs » sont aux médias ce que sont, aussi souvent, le « tollé » ou le « dérapage » : de pures inventions qui créent un événement qui n’existe pas, pour la simple raison que la grande masse des gens n’a aucun moyen de se manifester ou manifester instantanément, en toute clarté, son opinion. ‘

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