Que peut-on savoir de la vie affective du Moyen Âge ? Sur ce sujet longtemps négligé, les sources sont pourtant nombreuses : la littérature profane et spirituelle, l’iconographie, les chroniques, mais aussi la théologie et la médecine nous livrent mille indices sur la place des émotions dans la vie sociale.
De la colère d’un puissant à l’indignation du petit peuple, de la honte démonstrative d’une sainte à la crainte de la honte d’un grand, de l’amitié entre moines à la souffrance à l’imitation du Christ, de l’enthousiasme d’un groupe de croisés à la peur d’une ville entière face à la guerre ou à la peste qui approche, les exemples sont multiples. L’émotion n’est pas l’expression d’une confusion des esprits ni d’un chaos des règles sociales. Tous ces éclats de joie et de douleur, signes d’une humanité entière, produisent du sens qui ne se comprend que dans son contexte. Tout au long du millénaire médiéval, un modèle chrétien d’affectivité, élaboré à petite échelle dans les laboratoires monastiques, se construit, se répand, pénètre la société, tout en interagissant avec d’autres modèles, déjà présents ou en voie de construction parallèle, comme celui de la culture de cour.
L’émotion au Moyen Âge irrigue les relations sociales, dans une diversité d’interprétations et une vitalité culturelle qui impressionnent.
Damien Boquet est maître de conférences à l’université Aix-Marseille. Il a notamment publié L’Ordre de l’affect au Moyen Âge (CRAHM, 2005).
Piroska Nagy, professeure à l’Université du Québec à Montréal, est l’auteure de Le Don des larmes au Moyen Âge (Albin Michel, 2000).
Les deux historiens codirigent le projet de recherche EMMA, Émotions au Moyen Âge (http://emma.hypotheses.org).