Il y aura désormais quatre décennies, Brigitte Bardot mettait un terme à sa carrière. Non sans panache, front lisse et tête haute comme le souligne l’auteur de cet essai, joliment intitulé L’art de déplaire. Enième éclairage sur une étoile à laquelle les Français restent attachés ? Panégyrique, verbatim ? Une icône est avant tout le fruit d’une époque et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est son côté « naturel » qui dérange tout en séduisant le public. Un visage nu sans filtre. Arletty, qui saura à sa façon défrayer la chronique, résumera le phénomène par un jugement sans appel : « Elle a changé les canons de la beauté. Avant elle, les stars descendaient les escaliers, empanachées. Elle les monte, nue. »
Son credo, exister en tant que femme. Pourtant, tout en accompagnant le féminisme et certaines de ses causes, elle ne saurait se reconnaître dans ces viragos excessives. BB est une bourgeoise, du XVIe arrondissement, qui veut vivre librement, sans entrave mais pas sans vertu. Ce n’est pas une révolutionnaire, groupie d’une quelconque idéologie progressiste. A sa façon, anarchiste de droite, cette famille recomposée, introuvable voire impossible, manifestant peu de goût pour le suivisme, alliant la verve, le style et l’esprit ! S’affranchissant des carcans et des conservatismes de son époque pour transcender sa vérité. Excessive, rebelle, iconoclaste, le style Bardot demeure intemporel et bien français.
L’actrice passionne les foules, mais pas toujours pour les raisons qu’elle souhaiterait. La cause animale pourquoi pas, mais BB avant tout ! A souligner tout de même le trentième anniversaire de sa Fondation. Car si Babette ne s’en va plus en guerre, elle reste une femme courage à défaut de mère courage, cette tache ou part d’ombre qu’on ne peut négliger comme ces liaisons dangereuses, provocantes, celles d’une jouissance sans entrave, jusqu’à la nausée, jusqu’à l’idée de suicide.
Généreuse, spontanée, naturelle ; objet de scandale, d’indignation et de discorde, sont les deux côtés d’une même pièce que soulignaient en son temps Philippe d’Hugues alors chroniqueur cinéma à La Nation française de Pierre Boutang (Au temps de la nouvelle vague, Editions Auda Isarn, 2016).
Des bébés phoques à la condamnation de l’abattage rituel, ici-même dans les colonnes de Présent, en 1990, malgré son entourage qui la met en garde : Ta, ta, ta ! Qu’importait le parti politique, je m’en foutais. L’important, c’était de dénoncer l’horreur, de faire connaître cette nouvelle tradition, de crier ma révolte, enfin ! Elle passe outre, ce que ne pardonneront pas les médias dominants. Désormais ce sont les tribunaux qui lui donnent rendez-vous, comme en 1996 à la 17e chambre correctionnelle pour incitation à la haine raciale.
Patrick Wagner – Présent
Marie Céhère, Brigitte Bardot, l’art de déplaire, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 2016. 173 p, 18 euros.