Stendhal, un homme avant une plume… (Vidéo)

Stendhal n’est pas né écrivain mais jouisseur, amuseur, mondain, voyageur et amoureux. Un homme avant une plume. Il a écrit son premier « vrai » roman à 42 ans. Qu’a-t-il fait avant ? Il vivait, travaillait, voyageait, rencontrait des femmes, tombait amoureux, puis était quitté.

Entre-temps, Stendhal accumule fiches, comme autant de pièces à convictions, pour créer des personnages vivants, réels. Parce qu’elles définissent tout le travail de Stendhal pour mieux se préparer au roman, l’édition de la Pléiade fait la part belle à ses circonvolutions, ses recherches et ses errances. Entre chroniques italiennes, romans inachevés, appendices et lettres autour de La Chartreuse de Parme, tout est là pour tenter de percer le mystère beylien.

Stendhal, par les échecs, les erreurs et les volontés abandonnées apprend et enregistre pour mieux faire ressortir de vrais sentiments et des personnages vivants. Sa trajectoire est fascinante : c’est un homme qui a vécu, qui a perdu, qui a désiré et qui a connu la désillusion dans l’écriture. On est loin de l’image triomphante d’un écrivain corps et âme dévoué à son art, cloîtré dans sa chambre de bonne à écrire un chef-d’œuvre à la lueur d’une bougie. À côté d’un Balzac boulimique de livres et écrivain total, Stendhal a l’air d’un amateur. Pourtant, ce même Balzac admire les romans de Stendhal, et fait partie de ses happy few

Dans ce tome III, on trouve une foule d’appendices à La Chartreuse de Parme, la recension dithyrambique de Stendhal, ainsi que les lettres que les deux hommes se sont échangés. Aussi, l’édition contient les différentes tentatives de réécritures de l’auteur en vue d’une seconde parution, qui n’a jamais vu le jour. Stendhal a osé être Stendhal et s’est assumé comme un réel auteur le jour où il n’a pas suivi les conseils de Balzac.

S’il avait su que ses romans inachevés seraient publiés − A-ImaginationFéder et Lamiel − entourantLa Chartreuse de Parme, son chef d’œuvre, dicté en cinquante-deux jours, il en aurait été charmé et fier. Les textes « mineurs » participent de la grandeur de l’écrivain. Autour de l’œuvre inachevée qu’est Lamiel, on peut trouver deux autres versions nous éclairant sur l’écrivain toujours en mouvement, à l’œuvre d’autant plus belle, parce qu’elle est inachevée.

Les chroniques italiennes, contenues aussi dans l’édition, participent de l’élaboration du grand auteur qu’est Stendhal. La rencontre avec Giulia, les voyages italiens, la moralité religieuse douteuse, l’armée, le lac de Côme, tout cela est réuni, sous différentes formes. Les nouvelles ou les textes comme La Duchesse de Palliano ou Lisimon, eux aussi, participent de l’édification d’une œuvre littéraire magnifique.

Stendhal a hésité avant de se révéler : son parcours ressemble à celui de tout le monde, ou presque. Il travaille, voyage et vit puis, se croyant doué pour quelque chose, il essaie, avant de se rendre compte qu’un autre mode d’expression s’offre à lui. Julien Gracq dit de lui : « Le charme de Stendhal est de ne vouloir que par machine et de ne pouvoir que par laisser aller. » C’est ce qui se passe avec la venue dans le roman : quand Stendhal touche au roman, il improvise, s’amuse, son écriture est proche d’une certaine oralité héritée du théâtre. Son usage du roman est décomplexé, son écriture est transfrontalière : il touche à tout, va partout. Dans le roman et dans la vie. L’homme voyage, allègre, entre musique et peinture, il écrit ce qu’il voit, tente, échoue, recommence, mais toujours avec une certaine joie et une désinvolture à lui.

Stendhal, Œuvres romanesques complètes, tome III, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1520 pages, 60 euros

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