“Salut à toutes et à tous, BREUM promis BREUM dû: voici l’interview. J’ai sans doute oublié de parler de certains trucs, mais l’essentiel y est. Je fais quand même une synthèse écrite pour que vous compreniez mon départ.
Comprenez bien qu’il ne s’agit pas d’une fuite. Il s’agit de prendre de la distance avec mes emmerdeurs habituels, afin de retrouver mon énergie, ma liberté des débuts. Revenir aux sources de mon dessin, qui sont satiriques et non politiques.
Pas changer: réinitialiser. Pas aller torcher des lamas dans “Rendez-vous en terre inconnue” pour trouver la paix intérieure et chier dans de la sciure pour respecter cette salope de planète: juste m’éloigner de tout ce bordel pour nettoyer mon logiciel créatif de toutes les données négatives que j’ai accumulées pendant ces quatre années.
Simplement arrêter de vous gonfler avec mes conneries politiques déprimantes et catastrophistes (qui ne font pourtant que refléter la réalité). D’autres que moi le font mieux que moi, parce que c’est leur métier. Tant que je ne serai pas “guéri”, tant que je n’aurais pas trouvé le fusible qui permet d’ignorer ces trous du cul et de se concentrer sur le positif, et croyez bien qu’il faut une sacrée force pour ça, je ne reviendrai pas.
J’invite les gens qui crient victoire à l’annonce de mon départ à réfléchir sur la façon dont ils l’ont obtenu. Plutôt que de m’écraser en utilisant les mêmes armes que moi -c’est à dire le travail, le style et la réussite- ces gens n’ont usé que de basses manœuvres pour arriver à leur fins: harcèlement, censure, diffamation, vandalisme, menaces.
Êtes-vous fiers de vous? Comment gérez-vous votre conscience qui, au plus profond de vous, vous rappelle que vous êtes des perdants, qui vous murmure que l’échec est inscrit dans votre ADN? Qu’on supprime les réseaux sociaux et vous disparaissez.
Qu’on supprime les réseaux sociaux et il reste 200.000 des mes albums répartis chez des milliers de gens, de la France au Canada en passant par le Japon et la Russie. C’est pas de la prétention, c’est le résultat factuel de milliers d’heures de travail que vous êtes incapables de seulement imaginer. C’est la dernière fois que je m’abaisse à parler de vous, la dernière fois que je regarde vers la bouche d’égout depuis laquelle vous faites la morale au monde entier. La dernière fois que je m’adresse à mes confrères, qui ont attendu que je sois à terre pour venir me finir.
Qu’est-ce que ça va vous apporter, au final, d’avoir piétiné un homme au sol? Des cafés solubles gratuits lors du prochain festival de BD alternative inconnu du monde entier, et au cours duquel vous ne vendrez d’album à personne sinon à Gisèle, la prof d’anglais à la retraite qui vous achètera deux de vos merdes pour animer le goûter hebdomadaire de l’association des communistes du Val-de-Marne qu’elle préside et qui compte douze membres?
Vous savez que j’ai raison, vous savez que vous n’arriverez jamais à rien, vous savez que vous ne laisserez aucune trace, sinon l’empreinte carbone du corbillard qui mènera votre cercueil à la fosse commune après que vous soyez morts dans l’indifférence générale. Dans l’indifférence générale sauf la fille de Gisèle, qui vous rendra hommage autour d’un mauvais cake aux olives devant ce qu’il restera des petits-enfants des communistes du Val-de-Marne.
Mais j’y pense, ça fait une plombe que je parle de ces non-individus et que j’en oublie l’essentiel. C’est précisément pour ça que je pars: pour ne plus me concentrer que sur la plus belle chose qui me soit arrivé dans ma vie: mes lecteurs.
Je vous adresse des semis-remorques de mercis. Pour tout. Du fond des poumons. Je n’ai pas besoin d’en dire plus. Les gens qui s’aiment n’ont pas besoin d’écrire des romans pour se dire qu’ils s’aiment.
A janvier pour ma dernière sortie publique (dédicace en avant-première de FDP tome2), et à un de ces quatre pour je ne sais pas quoi.
Pourvu que ce soit avec vous.”