5 octobre 2017, un jeudi noir pour Hollywood. Harvey Weinstein, fondateur avec son frère, il y a presque quarante ans, du studio Miramax, devenu depuis The Weinstein Company, fait la couverture du prestigieux New York Times, mais pas pour l’un des films à succès qu’il a l’habitude de produire. Car ce jour, c’est le prédateur et le harceleur sexuel qu’on célèbre. Son tableau de chasse ? Tout ce qui, dans le gotha du septième art américain, voire européen, porte plus ou moins jupon. Son surnom ? « Le porc ». Sa méthode ? « Tu veux faire ce film, tu sais ce qu’il te reste à faire… »
On dira que, dans la profession, ça a souvent été la loi du genre ; mais là, il ne s’agit pas de n’importe qui. En effet, Harvey Weinstein est la caution arty et culturelle de l’industrie cinématographique. Même longtemps possession de Disney, Miramax a la réputation d’être à la fois studio indépendant et machine à Oscar®. The place to be, donc, et pour happy few only.
L’homme a du flair. Le Discours d’un roi, Shakespeare in Love et The Artist, c’est lui qui œuvrait en coulisses. La découverte de Ben Affleck et Matt Damon : encore lui. La promotion aux USA de cinéastes européens de renom, Jean-Pierre Jeunet et Patrice Chéreau : toujours lui. La reine d’Angleterre le fait commandeur de l’ordre de l’Empire britannique. Nicolas Sarkozy lui épingle la Légion d’honneur au revers du veston. Il est même distingué par le Centre Simon Wiesenthal en raison de ses engagements humanitaires ; c’est dire le pedigree du grand homme.
Le gratin cannois ne jure que par lui ; celui de la politique, à Washington, aussi. N’est-il pas l’un des plus généreux donateurs du Parti démocrate ? C’est l’homme auprès duquel il convient d’être vu ; enfin, de pas trop près, finalement. Car si le satyre se trouve aujourd’hui mis à nu, d’autres victimes le sont tout autant. Les premières qu’il obligeait à se déshabiller ; mais surtout les secondes, tout aussi nombreuses, qui savaient mais ne disaient rien, qui voyaient les yeux grand fermés tout en détournant le regard. Soit le grand bal de la faudercherie. Celles qui se sont tues pour sauver leurs carrières, on les comprend. Moins les autres, parce que dire tout haut ce qui se murmurait tout bas, dans ce milieu-là, ça ne se fait pas. Sauf que Hillary Clinton, atterrée, a promis de rendre l’argent. Parce que ça se fait et qu’elle ne peut faire autrement.
Pas la peine de posséder l’imagination d’un scénariste dément pour faire le rapprochement avec un certain Dominique Strauss-Kahn. Là, une fois de plus, la loi du silence. Parce que de tels comportements ne sauraient être que l’apanage de gros lourdauds vaguement réactionnaires : un Donald Trump, pour ne citer que lui. Lequel, à la seule lecture des journaux, doit désormais s’affoler le brushing à force de se dilater la rate.
À les en croire, de tels comportements seraient également monnaie courante dans le cinéma français. Quelques noms commencent déjà à circuler, dont celui d’un metteur en scène palmé et connu pour son militantisme en matière sociétale. On espère pour lui qu’un Denis Baupin se portera bientôt caution morale afin de faire taire ces vilaines rumeurs.
De son côté, Harvey Weinstein, dont le studio portant son nom devrait tôt être débaptisé par ses actionnaires, promet de « changer », espérant même avoir un jour « une seconde chance »… Rien de tel qu’une bonne petite contrition publique et en direct à la télévision pour se refaire une virginité humaniste. C’est simple, Hollywood pourrait même en faire un film.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire