Fleur Pellerin et la novlangue des technocrates de la culture….

 

 

Christian Combaz s’est plongé dans la présentation du budget Culture 2015. Il en retient des chapelets de mots et de phrases toutes faites. Morceaux choisis. Pour concevoir ce qui se passe en ce moment à la tête de l’Etat, l’analyse du vocabulaire est une source d’informations irremplaçable.

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L’épaisseur de la langue administrative française s’accentue chaque année et rappelle le discours consternant des médecins de Molière. Sauf que Molière avait la faveur du roi, tandis que chez nous, il ne trouverait plus personne pour financer ses ricanements anti-système, que la presse jugerait populistes.

Le langage officiel a commencé à charrier des grumeaux technocratiques au temps de Valéry Giscard d’Estaing. Désormais c’est du plâtre. Cela témoigne que l’action publique n’a que très rarement affaire à la réalité. Elle veut donner l’illusion d’en faire le tour, mais la lourdeur des formulations, leur caractère creux, christian combazconvenu, sectaire s’accentuent chaque année. Dans le rapport qu’il entretient avec sa langue le Pouvoir embrasse trop de choses à la fois parce qu’il n’étreint rien ni personne. Il trahit son incapacité à sortir des schémas imposés, à enjamber le cadre pour repeindre le tableau. En d’autres termes il ne gouverne pas, il fait de la gestion.

Les brochures issues des ministères, allégées par une typo tendance et imprimées sur papier recyclé, emploient un français qui n’est décidément plus le nôtre. On peut même dire qu’il nous offense chaque jour davantage. On n’imagine pas de meilleur exemple que la note de présentation du budget de la Culture, en 50 pages aérées sur deux colonnes, qui vient de tomber en PDF dans les boîtes des journalistes. La Culture est la seule cage ministérielle où les mots devraient résonner comme des chants d’oiseaux. C’est devenu un repaire de chauves-souris. C’est l’antre du minotaure. On y dévore l’innocence du talent non subventionné, on y engloutit les budgets au nom du spectacle vivant, on y commande des travaux inutiles que n’approuveraient pas le dixième de ceux qui les financent, tout en alignant des priorités-bidons du genre :

• « Développer les moyens dédiés à l’éducation artistique et culturelle, à l’accès à la culture et à la démocratisation culturelle grâce notamment aux politiques transversales de médiation et au plan de développement de l’éducation artistique et culturelle. »

• « Poursuivre l’accompagnement de l’ensemble des établissements supérieurs culture au sein d’un paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche redessiné et internationalisé. »

Rappel: ce qui précède provient de ceux que l’Etat a chargés de faire rayonner la langue française.

Au fil des pages on relève cent autres exemples de ces phrases qui ne veulent rien dire et de ces grigris sémantiques dont il faudrait faire taxer certains spécimens dans les publications officielles afin de financer les pots de départ sans recourir au contribuable. Les « enjeux » commencent à nous gonfler. Les « porteurs de projet » et les « opérateurs » nous assomment. Les gens qui cherchent à « impulser un esprit » nous fatiguent. Ceux qui « adressent un signal » nous accablent. Mais le comble c’est « l’accompagnement ». Dans toute politique publique désormais c’est le mot magique, celui qui veut dire que l’on tient le coude de celui qui agit, pour se donner l’illusion de faire soi-même quelque chose.

L’accompagnement, c’est le contraire du gouvernement. C’est donc devenu une priorité aujourd’hui.

Par Christian Combaz, écrivain et essayiste. Son dernier livre, Gens de Campagnol, est paru en 2012 chez Flammarion.

Lu sur Polémia

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